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UNE ENTREVUE DRAMATIQUE

passé, tandis qu’ils se comprenaient parfaitement avec le crime vrai qui se préparait !

« De telle sorte que le général pouvait être trompé sur le sens du pardon demandé par le Polonais à sa fiancée, mais ni Nicole ni moi ne prenions le change : Serge allait être acculé à la vraie trahison, et il trahirait !… Toujours en ce qui me concerne (je suis obligé de suivre ici, pas à pas, les étapes de mon raisonnement), l’inouï bouleversement d’âme dont faisait preuve le Polonais attestait que le moment où tout allait se découvrir, c’est-à-dire où il allait être obligé de trahir pour sauver Nicole, ne pouvait plus être très éloigné ! car un pareil débordement ne se serait point compris si le Polonais avait disposé encore de quelques mois de mensonge !

« Tant pleura le Polonais et tant s’endurcit le visage de Nicole que le général von Berg trouva rapidement que cette conférence avait assez duré. Il releva, quasi de force, Serge, en le prenant par le col de son paletot, et lui dit :

« — Je vous avais promis une entrevue avec Mlle Fulber ! Vous l’avez eue ! Vous avez pu constater que Mlle Fulber est aussi bien portante que possible et elle vous dira elle-même qu’elle est soignée comme une sœur par Mlle Hans ! N’est-ce pas, mademoiselle ?… Ceci vous pouvez le dire ! En vérité, c’est vôtre devoir de le dire ! »

« Mais Mlle Nicole continua de ne rien dire du tout… Alors, Serge retomba à genoux comme un fou qu’il était :

« — Tu n’auras donc pas pitié de ton Serge ! râlait-il… mais parle donc !… Réponds-moi !… Réponds-lui à lui !… Dis-moi qu’on te soigne ! Dis-moi que tu ne souffres plus !… ô Nicole, dis-moi que tu ne souffres plus !… (Et des pleurs ! et des pleurs !)… Les misérables t’ont tant fait souffrir !… Je ne veux plus que tu souffres !… Tu me détesteras ! tu me maudiras, mais tu ne souffriras plus !… Je ne veux pas qu’on te martyrise, moi !… non !… non !… je ne veux pas !… je n’ai pas pu résister, vois-tu, à une chose pareille ! ton mar-