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ROULETABILLE TRAVAILLE

la direction de cette flèche, qu’est-ce que c’est que ce magnifique hôtel ?…

— Eh ! c’est l’hôtel de la fabrique. C’est l’Essener-Hof. C’est là que M. Krupp loge ses amis et qu’il reçoit ses hôtes couronnés. L’Empereur Guillaume y vient souvent passer un jour ou deux. On expérimente alors devant lui, dans le polygone qui est cache par ce toit et qui s’étend jusqu’à l’horizon, les nouvelles pièces dont l’existence est tenue secrète… »

Mais Rouletabille n’avait plus l’air de suivre les explications de Richter. Et celui-ci finit par s’en apercevoir :

« Qu’est-ce que vous regardez donc comme cela ? demanda-t-il.

— Mais l’Essener-Hof, que vous me montriez tout à l’heure ! C’est extraordinaire ce que l’on voit bien d’ici !… Tenez ! il y a du monde au balcon !… Ce serait épatant, dites donc, si c’était l’Empereur ! »

Richter se mit à rire.

« Pourquoi pas ? Puisque vous disiez qu’il y vient quelquefois… »

Richter, toujours riant, frappa à une petite cabane qui s’appuyait contre la lanterne. La porte en fut ouverte et un homme se montra, vêtu d’une tunique spéciale et d’une casquette rouge que Rouletabille avait déjà remarquées dans ses déambulations de la matinée. Richter demanda à l’homme une lorgnette prismatique avec laquelle il se mit à fixer le point désigné par son nouvel employé, le balcon de l’Essener-Hof !

« Non ! Non ! Ce n’est pas l’Empereur !… Voyez vous-même ! »

Rouletabille regarda et rendit presque aussitôt la lorgnette à l’ingénieur.

« Non ! Ce n’est pas l’Empereur !… Ça ne ressemble pas à ses portraits ! » fit-il en riant à son tour. Et il ajouta in petto : « Ce n’est pas lui puisque c’est Vladimir Féodorovitch ! fidèle à son poste, à heure fixe, sur le balcon de l’Essener-Hof, attendant qu’un message lui tombe du ciel