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M FT = REVUE SOCIALE.

où dans les revenus de chacun de ces mêmes associés ? Ne pouvait-il pas résulter de ce prélèvement volontaire, dé cette véritable biwe DE L’ÉGALITÉ, Un Capital, sans cesse aceru, puisqu’il devait êtré employé dans Pindustrie d’abord, et finalément dans l’agriculture ? Et enfin, ce capital social et indivisible une fois formé, quelques-uns dé :ces résultats proclamés par la presse ouvrière, ne devait-on pas $’attendre à voir arriver une grande quantité dé souscriptions Vo= Joniaires qui duraient permis à l’Association de fonder des colonies agricoles, de donner l’éducation aux enfants des pauvres, de ré : eueïllir les vieillards, et de répandre partout les principes religieux de l’Association ? | d

Uñeimmense révolution pacifique était contenué dans cette idée. Suivant ce projet, le Travail, tout en continuant d’un côté à obéir au Capital et à lui demander le salaire, prenait d’un autre Côté, dans PAssotiation, un point d’appui d’autant plus solide que chaque jour ; Chaque leure augmentaient sa puissance. C’était le principe même dé l’accroissement continu du Capital tourné contre le Ca : 111 NOR dun Erin 1

“Dans un roman de Cooper, il y. a un moment où le vieux Trap-Es et Ses amis sont poursuivis par des Sauvages qui, pour mieux es atteindre, mettent le feu aux herbes sèches de la prairie. En S’évéillant au milieu de la nuit, le groupe épouvanté se voit cerné de toules parts, Des céréles rouges et mouvants s’étrécissent autour d’eux avec des pélillements sinistres. On éveille le vieillard, et Jui, en présence. de ce danger qui semble inévitable, que fait-il ? Il arraché autour de-lui les’ fongues herbes ; ses compagnons l’imilent ; el, jüand une certaine élendue est ainsi dépouillée, il’allume, les herbes arrachées, les jette’sur celles qui restent encore debout, 0ppose ainsi la flamme à la flamme ; et ils échappent à là mort par la cause même qui devait la leur donner, Ainsi faisaient Jes travailleurs dans le projet dont nous parlons. C’était le dévouement tourhaut contre a Sig les armes mêmes de l’égoisme, c’est-à-dire le, gain et le bénélice, en vue du triomphe de la solidarité humaine ! Certes, il fallait bien qu’il y eût quelque chose d’éxagéré dans ce : projet, gran ne Se réalisa pas dans la forme où nous, l’avions conçu. Mais il y avait cependant là quelque vérité. L’erreur consis- ; fait à croire que le plus grand nombre des travailleurs consentirait à entrer dans ce mouvement sans qu’il eût élé longtemps élaboré et ! rèché par là presse el par la parole, ce qui ne pouvait avoir lieu Justement sans le concours de ces mêmes travailleurs. A peine, l’idée élait-elle conçue, que nous voulûmes l’appliquer. La Démocralie avait finison année et ne devait plus reparaitre. Edmond eut ! la pensée d’un journal qui se distribuerait en manuscrit jusqu’au jour où nous pourrions le faire imprimer. Un numéro de ce journal fut en effet écrit ; il s’appelait : Egalité.

On me pardonnera. ces détails sur des. essais avortés pour la plupart, ei sur. une époque déjà bien éloignée. Le souvenir d’Edmond Frossard m’y reporte. D’ailleurs ce mouvement d’association n’est pas sans lien avec l’essai qui se fit. à Boussac, et qui commençait même.à, ce moment. Puis, nous ne fûmes pas seuls à adopter cette idée. D’autres essayèrent de la pratiquer Sous la forme d’une société des Industries-Unies, qui établit à Lyon des magasins. Elle fut accueillie à Paris par un certain nombre d’hommes, De nouveaux enseignements de la Doctrine s’ouvrirent, dans lesquels l’idée de la pratique venait s’ajouter à l’exposition des principes ; et, si peu de faits en résulièrent, à cause des immenses obstacles qui s’opposent à.tous les actes des pauvres, il-s’y forma quelques hommes qui devaient plus tard servir utilement la cause du Peuple.

Edmond Frossard fut un des plus heureux parmi ceux-là. Il se livia avec ardeur à l’idée ; d’association, Nous avions une réunion centrale où nous faisions des. lectures d’ouvrages de Doetrine ; Edmond suivait les séances hebdomadaires avec beaucoup, d’assiduité, et bien.souvent son esprit. droit, sa parole exacte ; nous ap-

orièrent la lumière, En travaillaut ainsi ensemble, nous nous âmes plusieurs d’une amitié fort étroite, et, désireux de donner à ceuté amilié un Caractère religieux, nous voulûmes faire ensemble la :Pâque. Voilà pourquoi nous étions réunis à Neuilly, au nombre de neuf, en avril 4845, ainsi que je l’ai dit en commençant.

Edmond avait alors. vingt-cinq ans. 11 avait les yeux doux, le front développé, et déjà un peu dénudé ; sa barbe noire n’ôtait rien à-Pexpression de bonté répandue sur toute sa physionomie. D’une taille haute, d’une apparence robuste, il semblait destiné à vivre de loùgues années, Edmond et Armand montrèrent beaucoup de gaieté. Certes ; si quelqu’un nous eût vus tous les neuf, rassemblés dans ce lieu, et qu’on lui eùt demandé de désigner les deux qui de-

Vaient nous manquer à quatre ans de là, il n’eùt montré ni Edmond ni Armand !. :: 6

Cependant Frossard avait quitté l’étude du notaire, et après quelques mois d’attente, ilentra en qualité de caissier à l’Alliance des Arts. Thoré et M. Paul Lacroix étaient à la tête de celle entreprise. Edmond se lia avec Thoré et aussi avec Louis Blanc, qu’il connut vers-celle époque. Dans le même lemps, la Revue Sociale parut. Je dirai plus loin ce qui s’était passé à Boussac avant l’apparition de cette, Revue. Edmond Frossard fut le correspondant à Paris de la feuille naissante. Il se chargea, avec le plus grand dévouement et le’soin le plus actif, du service des abonnements dans celte villé ; eliquand, plus tard, on essaya d’établir une librairie, il en fut l’ad-Minisirateur,

Vers le printemps de 1845, il-se maria. Sa femme partageait

ses” idées.’Il trouva donc} ‘dans cette union , de nouvelles aimer lé bien et une force plus érande pour le pratiquer : . Nôûs arrivons rapidement : 4 Février 4848 : Les deux anuées du règne de Louis-Philippe se passèrent sans amener d grands chingements dans ’la vie d’Edmond :’Sorli de l’Alliance :q k Arts, il’travailla-comrme il put dans les maisons dé commerce ie suivil avec énthousiasme les banquets réformistes ; car les étud Socialistes auxquelles il s "était livré ne l’avaient pas complètement distrait de la politique. Anvontraire, il était de ceux : Qui croyaient que les réformes sociales devaient principalement’ se-faire parus gouvernement. Il participa’aux événements de Février etlaprocla. mation de la République l’emplit de joie ; il y voyait la promesse de l’entièré délivrance du Peuple !222717% :1 20 PA RE A5) F0 ro Comme il’habitaït les Batignolles, ily fonda un club, qui nétarda pas à éxercer une grande’ influence. Cependant lé Gouvernemer Ep ayant aboli la prison pour dettes, les vastes bâtiments : a prison de /Clichy’se trouvaient vacants. H’Association des‘Tail. léurs’ s’y établit. Le 15 avril, Edmond Frossard récüt de là Commis. sion des Tailleurs, présidée par Louis Blanc et Albert, une commis. sion At du gouvernement près cette Association : urT + Il rendit dé très-grands services à l’Association ! dans cette Sitüalion nouvelle. “Les Taïlleurs associés avaient contre eux tous lestop. stacleS qui S’opposent d’ordinaire à cé qui ’heûrte les préjugés’et

raisons

deruières

blesse les intérêts des privilégiés. 11 fallait une ‘administration’ac. tive ‘sage, ConSciencieuse. Organisation intérieure, Comptabilité :

clientèle, mode de rétribution, tout était à créer. 1/s’y’employa de toutes ses forcés ! Prisonnier, par suite du 45 mai, à peine rendu À la liberté, ‘il reprit avec’ lemême zèle son-travail à l’Association, Lés terribles journées de Juin ét Ja réaction royaliste qu’elles contri. büèrent !à amener avaient changé là condition ‘des ‘Tailleurs vassociés s’ils durént quiller les bâtiments de Clichy Let subirentoune nouvelle épréuve pendant laquéllé le dévouement d’Edmond’nese démentit pas. En dépit des calornnies répandues alors contre lidée socialiste, ‘un grand nombré’d'associations’s'étaient formées/La prédication de Louis Blanc au Luxembourg avait réveillé des sentiments déjà disposés autrefois à l’association : Son exil donna à ses enseignements ce caractère pénétrant qui s’attache toute pensée persécutée, Les délégués, des diverses corporations ouvrières, qu’il avait groupés au Luxembourg, propagèrent ses idées, et bientôt s’établirent l’une après l’autre ces associations dont le nombre s’élève aujourd’hui à plus de-centesoixante,-et qui comprennent presque toutes les industries. Edmond sentit tout de suite que ces Associations avaient besoin de s’unir entre elles pour prospérer ; mais il fallait que-cette pensée d’union. s’alliàt avec le respect de la liberté de éhacune délces assoiations.Al’eonce tie plan d’une Chämbre du Travail, composée de Délégués des aSsociälions existantes, et qui aurait vérifié les statuts de-ces mêmes associations dans le but de les ramener par voie de conseil à des principes uniques, tout en tenant compte des besoins différents de chaque industrie. Cetle Chambre du Travail aurait élé, vis-à-vis de,chaque association ;’un véritable conseil dé prudhomimes, jugeant des différends survenus, soit entre les travailleurs participant à la même association, soit entre deux où plusieurs associations, ‘et aurait également formé dans la ‘société extérieure une représentation véritable des Travailléurs = Associés, , Us mar.

Ce plan si sage et si approprié aux nécessités présentes des diverses associations ne ful pas goûté des délégués du pe rat Il’en résulla”"une polémique, aigrede leur part, calme : ét digne dé à part d’Edmond : ARE EEE

Faut-il rappeler maintenant le soin que notre ami honnête homme s’il en” fut, dut prendre plus tard de répondre à des calomnies cruelles ? Non, car’ je serais forcé d’aller chercher l’auteur dé ces lâchés insultes parmi les pamphlétaires de là ruc detérusalem-De telles amertumes, bien guaies fussent sensibles au eŒur d’Edmond, habitué à l’estime de tous ceux qui l’entouraient, de pouvaient changer des sentiments si profonds, modifier des 108 aussi solides. Il montra toujours là même ar Appelé à faire partie du comité socialiste des élections pour le 13 mai, il déployæ, dans cetlé fonction la même activité qu’il mettait au service des as, sociations ét continua de servir la cause jusqu’au jour où 1 me le frappa d’une façon aussi crüelle qu’inattenduüée. C’était le 3 jui 1849, le choléra était dans toute sa force, Edmond était chez Jui ; occupé près du berceau de sa petite fille à rédiger l’acte’ W’assone tion des cuisiniers de la rue Saint-Germain-l’Auxerrois. ‘se senti atteint de douleurs très-fortes, et comprit de Suite’ qu’il était frappé mortellement. Cependant dans les sept heures qui s’écoulèrent de/e®, moment jusqu’à Sa mort, il ne montra pas là moindre faiblesse ; ne manifesla point la moindre crainte écoiste ni pour lui, ni pour 2 siens. Il était plein de foi en l’éternité de la vie, Cette ferme con tion lui rendit la mort moins cruelle. Ses derniers moments fure ceux du juste. Re

Sa mort nè fut connue que très-tard de ses nombreux amis. QUES, ques-uns seulément furent avertis assez tôt pour pouvoir l’accomr pagnér jusqu’à la fosse commune. On avait espéré de réumir ps Somme nécessaire pour le faire exhumer. Dans cette pensée, là a avait écrit à Louis Blanc, pour lui demander un discours qui P, être, In sur la, tombe de son-époux. La funèbre cérémonie, n’a P}, avoir lieu, mais l’exilé a été fidèle au’souvenir. de son ami mOrb P" il a envoyé à la veuve ces quelques paroles destinées à étre pron0Ë cées dans cette occasion :