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Victor travaille chez les books. Il a une clientèle très riche, des gens de Bourse. Je lui fais honte, avec mes guenilles.

Deux mille francs ! Deux mille francs !… Il me semble que je vais pouvoir acheter tout Paris. En attendant, je m’offre une paire de souliers. Et puis, j’entre dans un grand magasin des boulevards. J’ai une taille mannequin. Il y a du « tout-fait » là-dedans qui m’ira comme un gant. Deux heures plus tard, je suis devant mon armoire à glace en extase devant une poupée de vitrine. « Oh ! le charmant petit jeune homme » méconnaissable mais tout à fait ridicule.

Et maintenant, costumé, je vais jouer mon rôle ? Voici l’heure. Et voici la rue Chalgrin. Le soir est tombé. Je me glisse sous la voûte de l’immeuble et je passe comme une ombre devant la loge du concierge. Escalier désert. Quelques marches. La porte à droite. Ma main tremble sur la clef. Deux tours. C’est fait, l’entre et je m’enferme. Je halète. Plein noir. Quelques secondes de repos où je n’entends que mon cœur qui bat à gros coups sourds. Je frotte une allumette. Je n’ose pas tourner le commutateur. Dans la première pièce, sur une petite table-bureau, j’aperçois dans un plumier un bout de bougie à côté d’un bâton de cire à cacheter. C’est tout ce qu’il me faut. Et je m’abats sur un fauteuil, les membres ballants.

Pourtant je ne suis ni un voleur, ni un cambrioleur. Je sais ici sur la prière du locataire. En toute conscience on n’a rien à me dire. Même devant le bâtonnier, je pourrais encore plastronner : En-