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AU SEIN D’UNE NATURE SAUVAGE

reçu de la nature ; mais il ne pensait point que son génie lui appartînt. Il le devait aux hommes, et tout ce que son génie mettait au monde tombait, de par cette volonté philanthropique, dans le domaine public. S’il n’essaya point de dissimuler la satisfaction que lui causait la mise en possession de cette fortune inespérée qui allait lui permettre de se livrer jusqu’à sa dernière heure à sa passion pour la science pure, le professeur dut s’en réjouir également, « semblait-il », pour une autre cause. Mlle Stangerson avait, au moment où son père revint d’Amérique et acheta le Glandier, vingt ans. Elle était plus jolie qu’on ne saurait l’imaginer, tenant à la fois toute la grâce parisienne de sa mère, morte en lui donnant le jour, et toute la splendeur, toute la richesse du jeune sang américain de son grand-père paternel, William Stangerson. Celui-ci, citoyen de Philadelphie, avait dû se faire naturaliser Français pour obéir à des exigences de famille, au moment de son mariage avec une Française, celle qui devait être la mère de l’illustre Stangerson. Ainsi s’explique la nationalité française du professeur Stangerson.

Vingt ans, adorablement blonde, des yeux bleus, un teint de lait, rayonnante, d’une santé divine, Mathilde Stangerson était l’une des plus belles filles à marier de l’ancien et du nouveau continent. Il était du devoir de son père, malgré la douleur prévue d’une inévitable séparation, de songer à ce mariage, et il ne dut pas être fâché de voir arriver