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MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE

se raconter, au-dessus des forêts verdoyantes ou des bois morts, les plus vieilles légendes de l’histoire de France. On dit que le donjon du Glandier veille sur une ombre héroïque et sainte, celle de la bonne patronne de Paris, devant qui recula Attila. Sainte Geneviève dort là son dernier sommeil dans les vieilles douves du château. L’été, les amoureux, balançant d’une main distraite le panier des déjeuners sur l’herbe, viennent rêver ou échanger des serments devant la tombe de la sainte, pieusement fleurie de myosotis. Non loin de cette tombe est un puits qui contient, dit-on, une eau miraculeuse. La reconnaissance des mères a élevé en cet endroit une statue à sainte Geneviève et suspendu sous ses pieds les petits chaussons ou les bonnets des enfants sauvés par cette onde sacrée.

C’est dans ce lieu, qui semblait devoir appartenir tout entier au passé, que le professeur Stangerson et sa fille étaient venus s’installer pour préparer la science de l’avenir. Sa solitude au fond des bois leur avait plu tout de suite. Ils n’auraient là, comme témoins de leurs travaux et de leurs espoirs, que de vieilles pierres et de grands chênes. Le Glandier, autrefois « Glandierum », s’appelait ainsi du grand nombre de glands que, de tout temps, on avait recueillis en cet endroit. Cette terre, aujourd’hui tristement célèbre, avait reconquis, grâce à la négligence ou à l’abandon des propriétaires, l’aspect sauvage d’une nature primitive : seuls, les bâtiments qui s’y cachaient avaient conservé la