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MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE

entendre un miaulement si désespéré que je me sentis frissonner. Je n’avais jamais entendu un cri aussi lugubre.

Comme s’il avait été attiré par ce cri, un homme entra, derrière la vieille. C’était « l’homme vert ». Il nous salua d’un geste de la main à sa casquette et s’assit à la table voisine de la nôtre.

« Donnez-moi un verre de cidre, père Mathieu. »

Quand « l’homme vert » était entré, le père Mathieu avait eu un mouvement violent de tout son être vers le nouveau venu ; mais visiblement, il se dompta et répondit :

– Y a plus de cidre, j’ai donné les dernières bouteilles à ces messieurs.

– Alors donnez-moi un verre de vin blanc, fit « l’homme vert » sans marquer le moindre étonnement.

– Y a plus de vin blanc, y a plus rien ! »

Le père Mathieu répéta, d’une voix sourde :

« Y a plus rien !

– Comment va Mme Mathieu ? »

L’aubergiste, à cette question de « l’homme vert », serra les poings, se retourna vers lui, la figure si mauvaise que je crus qu’il allait frapper, et puis il dit :

« Elle va bien, merci. »

Ainsi, la jeune femme aux grands yeux doux que nous avions vue tout à l’heure était l’épouse de ce rustre dont tous les défauts physiques semblaient dominés par ce défaut moral : la jalousie.