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il s’arrêta net devant le regard dur que lui lança Titin.

— Vaï ti pinça en l’aïga (Va te jeter à l’eau !…), tu es trop bête, éclata celui-ci…

Caramagna sagement retourna à sa cuisine, car il savait qu’il n’était point prudent de se frotter à Titin quand il avait ce regard-là.

Il y eut un silence, puis ce fut Titin qui demanda à M. Papajeudi :

— Fait-elle un beau mariage, au moins ?…

— Comment ! si elle fait un beau mariage, s’écria Mme Papajeudi, je crois bien ! Elle épouse un prince !

— Quel prince ? demanda Titin qui avait reconquis apparemment toute sa tranquillité.

— Le prince Hippothadée ! ni plus ni moins, qui sera peut-être un jour roi de Transalbanie, est-ce qu’on sait ?… du moins c’est lui qui en fait courir le bruit, le cher seigneur !…

— Il est beau ?… Il est jeune ?… questionnai Titin, toujours avec la même impassibilité.

— Je le trouve très chic ! roucoula Mme Papajeudi…

— Ah ! les femmes ! s’écria son époux en vidant dans un verre ce qui restait de chianti dans le fiasco, il suffit d’être prince et le reste ne compte plus pour ces dames. Son prince, à Toinetta, a plus de cinquante ans ! Il est maquillé comme une vieille cocotte, il n’a pour toute fortune que des dettes, il vit aux dépens d’une comtesse à perruque ! Qu’importe ! Toinetta veut être princesse, elle le sera !…

— Bientôt ? demanda Titin en repoussant d’un geste dont il ne fut pas maître son assiette pleine de bonnes tripes fumantes que Carama-