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petits orphelins de pécheurs, de « poutina » morts en mer…

Le prince Hippothadée Henri-Vladimir, seigneur de Transalbanie, avait le plus grand air du monde : sa haute stature, sa taille élancée, sa souple démarche, sa façon de baiser la main des dames et de leur faire danser le tango appartenaient encore à la seconde jeunesse ; mais le visage fripé, ridé, fardé, la moustache et le cheveu trop noirs, le regard vitreux accusaient les années passées dans le labeur forcené de la haute noce et des salons de jeu.

Il portait monocle, mais cet accessoire ne lui donnait point cet air de ridicule insolence avec lequel les petits gentilshommes essaient d’en imposer à la tourbe. Il en jouait fort gracieusement, ce qui ajoutait à son amabilité coutumière, car le prince Hippothadée cachait soigneusement, sous les dehors les plus charmants, des instincts dévorateurs.

Il était toujours un des ornements les plus appréciés de la vie mondaine, mais il n’y avait plus pour l’aider à en supporter les frais que la générosité parcimonieuse et rétive de Mme la comtesse de Domingo d’Azila.

Il résultait de tout cela qu’il était grand temps pour le prince de faire, comme on dit dans la bonne société, une fin.

Le prince y avait-il songé ? Il y avait des chances pour cela. En tout cas, M. Supia y avait songé pour lui.

Celui-ci avait écouté sans étonnement le récit, non dénué d’amertume, du seigneur Hippothadée.

— Décidément, ces dames vous fuient de-