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chasseurs alpins qui paraissaient partager le deuil général.

Les toits et les fenêtres d’où l’on pouvait apercevoir la place d’Armes, la rue de la Prison, frémissaient d’une vie obscure et mystérieuse, qui, s’accrochant à tout, débordait de partout.

Devant la porte de la prison, l’Homme et ses aides ont disparu. Il est allé chercher sa proie. Et d’autres hommes noirs sont venus, qui ont passé sous le porche, hâtivement, la tête basse, comme s’ils avaient honte ! Eux aussi, ils sont allés chercher leur victime… Ils veulent être sûrs qu’on ne la leur volera pas…

Ah ! Titin ! Titin ! Toi qui aimais tant la vie, tu vas donc mourir mon fils ? Tu n’iras plus en mai gauler les olives !… Tous tes compagnons sont là que tu conduisais au festin !… Que vont-ils devenir sans toi ?… Las ! la nuit s’efface, la nuit s’efface !… Voici ta dernière heure de Nice, ô Titin !…

Alors, soudain, vers le ciel qui se teignait déjà du sang du sacrifice, un chant d’une douceur infinie monta, suave comme le premier souffle du printemps, triste comme le dernier adieu des roses que des mains amies effeuillent sur une tombe… Mille voix répétaient cet hymne, qui était moins un chant que l’harmonieux gémissement de la cité qui t’avait tant aimé :

Nissa ! la mieu, bella Nissa !…
Nice, ô ma belle Nice !
À toi je veux une belle pensée !
Je salue tes toitures roses
Et tes beaux orangers !…