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che histoire de la Fourca dont tous les journaux furent pleins pendant plus de six mois). Ce Michel Pincalvin, « Micheu », comme on l’appelait dans tout le pays, était un garçon fort débrouillard et sachant parler aux demoiselles. Il faisait métier de courtier en parfumerie et on ne le trouvait jamais au bout de son boniment.

Le bruit courut que Mlle Supia n’avait point su lui résister. Cependant comme il quitta bientôt le pays pour s’établir à Arles, où il fit de mauvaises affaires, et comme il ne revint jamais à la Fourca, on oublia cette histoire.

Entre temps, la Cioasa avait changé du tout au tout. On ne la voyait plus que les dimanches, elle venait entendre la messe à Sainte-Hélène. Elle n’adressait plus la parole à personne. Elle n’avait même plus la coquetterie de s’habiller proprement et ses cheveux allaient à la diable, sous le mouchoir dont elle s’enveloppait la tête.

Dans ce temps-là, elle resta même des semaines sans sortir du tout. On disait qu’elle était malade. La chose était d’autant plus plausible que la mère Bruno, dite la « Boccia », elle était ronde comme une boule et un peu fée Carabosse, resta quelques jours au bastidon. Celle-ci en savait certainement plus long que les autres, mais il entrait dans son métier d’être discrète et on ne l’interrogeait même pas.

La Boccia faisait bien des besognes, et les plus répugnantes comme les plus souriantes. Elle avait soigné des lépreux à Èze, elle lavait les morts, elle aidait les femmes en cou-