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eût été la meilleure façon pour le Bastardon de démentir le bruit de sa mort.

Le lendemain et les jours qui suivirent n’ayant amené rien de nouveau, il y eut des pleurs et des gémissements jusqu’à La Fourca. Les femmes passaient leur temps en prière dans la vieille basilique et promettaient à sainte Hélène de la jeter hors les murs si elle avait laissé s’accomplir un malheur pareil.

Toute la plaine jusqu’aux gorges du Loup était dans la désolation. Ceux de Torre-les-Tourettes n’osaient plus sortir, car on les soupçonnait de se réjouir du désespoir des autres ; des paroles terribles avaient été prononcées contre eux. Les joueurs de boccia faisaient grève ; sur la place Arson, on ne rencontrait plus que les quatre inséparables Pistafun, Aiguardente, Tony Bouta et Tantifla, qui avaient un moral très bas, bien qu’ils fissent, dans les cabanons, tout leur possible pour le relever. On racontait que Gamba Secca et le Budeu, employés comme l’on sait aux kiosques du Bastardon, préparaient en pleurant des rubans noirs pour mettre à leurs sacs à journaux. Enfin, le soleil lui-même se retira d’un pays qu’il ne reconnaissait plus. Pendant huit jours des nuées sombres voilèrent l’azur, et se répandirent en pluies diluviennes. Ce n’étaient pas encore là tous les signes qui annoncèrent et accompagnèrent jadis la mort de Jules César, mais pour ce pays peu accoutumé à la rigueur des dieux, on avouera que ce n’était pas non plus une chose tout à fait naturelle.