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était devenue un établissement de luxe des plus fréquentés dans la bonne saison. On y faisait si rapidement fortune que les propriétaires du fonds le cédaient au bout de quelques années dans d’excellentes conditions.

Titin ignorait toujours le nom de famille de Noré, ce qui n’était point pour faciliter sa tâche… Cependant, il apprit d’une vieille Anglaise qui venait manger là ses toasts depuis des années que les anciens propriétaires avaient acheté une vieille maison de comestibles, rue d’Angleterre ! « Au Lapin d’Argent ». Il s’y rendit.

L’importance du magasin commença de faire impression sur Titin.

Il demanda à voir le patron.

On lui désigna un personnage respectable qui, en tablier blanc, découpait derrière le comptoir une volaille fort appétissante.

— Monsieur Noré ?… demanda Titin.

— Noré ? Connais pas, répondit le découpeur en levant tranquillement une aile.

Puis, après un temps :

— Ah ! vous voulez parler de mon prédécesseur ?

— Eh bien vous êtes en retard, jeune homme ! Voilà bientôt dix-huit ans… Ah ! çà, mais vous êtes Niçois, vous !…

— Oui monsieur ! c’est moi Titin !… »

— Qui, Titin ?

— Titin-le-Bastardon !…

Deux garçons lancèrent en passant :

— Mais oui, patron, c’est lui Titin… Titin-le-Bastardon !…

— Oh alors ! tout s’explique ! fit le patron en prenant son parti de rire, c’est une farce !