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un peu, appuyée au léger balcon, à se remémorer l’enchantement de ces heures nouvelles où elle a connu qu’elle était faite pour tous les triomphes mondains.

Son succès a été complet ; la haute société niçoise en relations avec la famille Supia n’a point manqué de lui faire de grands compliments, et, d’autre part, le prince lui a présenté des amis à lui, qui ne dissimulaient point leur admiration pour sa beauté et sa jeunesse.

Mais il semble bien que le souvenir d’un si beau succès n’absorbe point entièrement Mlle Agagnosc ; pourquoi ces regards à droite, à gauche, au-dessus d’elle, au-dessus même des toits qui s’étagent à des niveaux divers, recouvrant les grands magasins ?

Ses yeux restent maintenant obstinément fixés vers le ciel. Le remercie-t-elle de son prochain bonheur ou s’amuse-t-elle à dénombrer les astres ?

En suivant bien ses regards, nous découvrirons peut-être qu’ils rencontrent moins l’étoile alpha ou gamma de quelque constellation que certaine ombre qui vient de surgir au ras d’une gouttière et qui se dirige, fort précautionneusement, s’accrochant tantôt à une lucarne, tantôt à une tabatière, sans négliger l’ombre protectrice des cheminées, vers le toit qui abrite la future princesse de Transalbanie…

Disons même que ce n’est pas sans une certaine anxiété que Mlle Agagnosc suit des yeux les déplacements de cette audacieuse silhouette et quand l’on put craindre pour l’équilibre de ce singulier hôte des toits, ce n’est point de peur pour elle-même que Mlle Agagnosc frémit, mais bien pour l’insensé qui court le ris-