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ERIK

plus explicable que cette sombre histoire où des gens malintentionnés ont voulu voir se déchirer jusqu’à la mort deux frères qui s’adorèrent toute leur vie…

« Croyez bien, etc. »


Enfin, mon dossier en main, j’avais parcouru à nouveau le vaste domaine du fantôme, le formidable monument dont il avait fait son empire, et tout ce que mes yeux avaient vu, tout ce que mon esprit avait découvert corroborait admirablement les documents du Persan, quand une trouvaille merveilleuse vint couronner d’une façon définitive mes travaux.

On se rappelle que dernièrement, en creusant le sous-sol de l’Opéra, pour y enterrer les voix phonographiées des artistes, le pic des ouvriers a mis à nu un cadavre ; or, j’ai eu tout de suite la preuve que ce cadavre était celui du Fantôme de l’Opéra ! J’ai fait toucher cette preuve, de la main, à l’administrateur lui-même, et maintenant, il m’est indifférent que les journaux racontent qu’on a trouvé là une victime de la Commune.

Les malheureux qui ont été massacrés, lors de la Commune, dans les caves de l’Opéra, ne sont point enterrés de ce côté ; je dirai où l’on peut retrouver leurs squelettes, bien loin de cette crypte immense où l’on avait accumulé, pendant le siège, toutes sortes de provisions de bouche. J’ai été mis sur cette trace en recherchant justement les restes du fantôme de l’Opéra, que je n’aurais pas retrouvés sans ce hasard inouï de l’ensevelissement des voix vivantes !

Mais nous reparlerons de ce cadavre et de ce qu’il convient d’en faire ; maintenant, il importe de terminer ce très nécessaire avant-propos en remerciant les trop modestes comparses qui, tel M. le commissaire de police Mifroid (jadis appelé aux premières constatations lors de la disparition de Christine Daaé), tels encore M. l’ancien secrétaire Rémy, M. l’ancien administrateur Mercier, M. l’ancien chef de chant Gabriel, et plus particulièrement Mme la baronne de Castelot-Barbezac, qui fut autrefois « la petite Meg » (et qui n’en rougit pas), la plus charmante étoile de notre admirable corps de ballet, la fille aînée de l’honorable Mme Giry — ancienne ouvreuse décédée de la loge du Fantôme — me furent du plus utile secours et grâce auxquels je vais pouvoir, avec le lecteur, revivre, dans leurs plus petits détails, ces heures de pur amour et d’effroi[1].

  1. Je serais un ingrat si je ne remerciais également sur le seuil de cette effroyable et véridique histoire, la direction actuelle de l’Opéra, qui s’est prêtée si aimablement à toutes mes investigations, et en particulier M. Messager ; aussi le très sympathique administrateur M. Gabion et le très aimable architecte attaché à la bonne conservation du monument, qui n’a point hésité à me prêter les ouvrages de Charles Garnier, bien qu’il fût à peu près sûr que je ne les lui rendrais point. Enfin, il me reste à reconnaître publiquement la générosité de mon ami et ancien collaborateur M. J.-L. Croze, qui m’a permis de puiser dans son admirable bibliothèque théâtrale et de lui emprunter des éditions uniques auxquelles il tenait beaucoup. — G. L.