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LE FANTÔME DE L’OPÉRA

deuxième partie




LE MYSTÈRE DES TRAPPES


I

un coup de maître de l’amateur de trappes


Raoul et Christine coururent, coururent. Maintenant, ils fuyaient le toit où il y avait les yeux de braise que l’on n’aperçoit que dans la nuit profonde ; et ils ne s’arrêtèrent qu’au huitième étage en descendant vers la terre. Ce soir-là il n’y avait pas représentation, et les couloirs de l’Opéra étaient déserts.

Soudain une silhouette bizarre se dressa devant les jeunes gens, leur barrant le chemin :

« Non ! pas par ici ! »

Et la silhouette leur indiqua un autre couloir par lequel ils devaient gagner les coulisses.

Raoul voulait s’arrêter, demander des explications.

« Allez ! allez vite !… commanda cette forme vague, dissimulée dans une sorte de houppelande et coiffée d’un bonnet pointu. »

Christine entraînait déjà Raoul, le forçait à courir encore :

« Mais qui est-ce ? Mais qui est-ce, celui-ci ? demandait le jeune homme. »

Et Christine répondait :

« C’est Le Persan !

— Qu’est-ce qu’il fait là…

— On n’en sait rien !… Il est toujours dans l’Opéra !

— Ce que vous me faites faire là est lâche, Christine, dit Raoul, qui était fort ému. Vous me faites fuir, c’est la première fois de ma vie.

— Bah ! répondit Christine, qui commençait à se calmer, je crois bien que nous avons fui l’ombre de notre imagination !

— Si vraiment nous avons aperçu Erik j’aurais dû le clouer sur la lyre d’Apollon, comme on cloue la chouette sur les murs de nos fermes bretonnes, et il n’en aurait plus été question.

— Mon bon Raoul, il vous aurait fallu monter d’abord jusqu’à la lyre d’Apollon ; ce n’est pas une ascension facile.

— Les yeux de braise y étaient bien.

— Eh ! vous voilà maintenant comme moi, prêt à le voir partout, mais on réfléchit après et l’on se dit : ce que j’ai pris pour les yeux de braise n’étaient sans doute que les clous d’or de deux étoiles qui regardaient la ville à travers les cordes de la lyre. »


Et Christine descendit encore un étage. Raoul suivait. Il dit :

« Puisque vous êtes tout à fait décidée à partir, Christine, je vous assure encore qu’il vaudrait mieux fuir tout de suite. Pourquoi atten-