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— Je vous le jure, Gabrielle.

Robert Pascal n’avait pas hésité à dire : « Je vous le jure ! »

— C’est bien, fit Gabrielle un peu triste, c’est bien ; je vous crois… J’aurais désiré que la dette d’immense reconnaissance que j’ai contractée l’eût été surtout vis-à-vis de vous, mon ami ; j’en ferai donc deux parts, dont la meilleure vous est encore réservée, puisque sans vous je n’aurais pas connu ce tout-puissant ami qui fait des miracles pour vous être agréable, et puisque… puisque je vous aime, Robert…

C’était la première fois que Gabrielle prononçait ces trois mots. Le jeune homme comprit que Gabrielle, désormais, lui appartenait et qu’il n’avait qu’à étendre les bras pour qu’elle fût à lui. Chose curieuse, son front, tout à l’heure si rayonnant, se rembrunit. Et c’est d’une voix glacée qu’il laissa tomber ces mots dans le silence cruel qui, tout à coup, les séparait.

Si mon ami n’avait pu sauver votre père, Gabrielle, m’aimeriez-vous ?

La jeune fille n’hésita pas :

— Je serais morte en vous aimant, Robert.

Robert n’était pas encore satisfait.

— C’est donc mon ami qui vous a sauvé la vie à tous les deux, fit-il, c’est mon ami qu’il faut aimer, Gabrielle !

— J’admire votre ami, répliqua Gabrielle, d’une voix singulière, mais c’est vous que j’aime, Robert !…

— Gabrielle ! Gabrielle ! s’écria Robert, en proie à une étrange exaltation… Je suis jaloux… Je suis terriblement jaloux de mon ami !…

La jeune fille fixa Pascal de ses beaux grands yeux pleins de douleur et d’amour.

— Pour vous, dit-elle, je suis prête à commettre le plus abominable des crimes, celui de l’ingratitude. Je ne penserai même plus à votre ami, votre pensée seule m’occupera le cœur. Je ne veux plus connaître votre ami, de qui cependant dépend toute la sécurité de mon père. Je vous aime, Pascal ; ce n’est pas l’autre que j’aime, c’est vous !

— Que voulez-vous dire ? s’écria l’ouvrier orfèvre. Gabrielle ! Je ne vous comprends pas !…

— Comprenez, Robert, reprit Gabrielle en baissant la voix, comprenez que votre ami a des yeux aussi effrayants que les vôtres sont doux…

— Alors, mon ami ne vous plaît pas, Gabrielle ?

— Comment pourrais-je dire cela d’un homme qui a sauvé mon père ? répondit la jeune fille. Seulement, voyez-vous, c’est un homme…

— C’est un homme ?… demanda avec anxiété et insistance Robert Pascal.

— C’est un homme qui me fait peur ! dit Gabrielle en frissonnant.

Robert Pascal, à ces mots, attira doucement la jeune fille sur sa