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cadre en fût riche, mais le tableau était certainement d’un maître. La signature de l’artiste en était absente.

Cette tête était merveilleusement jolie, pleine de grâce et de douce noblesse. C’était une blonde aux yeux noirs profonds d’Andalouse ; le nez était un peu busqué, très légèrement, suffisamment pour ajouter à cette physionomie enchanteresse un rien de ce caractère un peu altier que tout homme est heureux de rencontrer chez la femme qu’il aime. Ce portrait avait été peint par un amant.

En entrant, après avoir soigneusement refermé sa porte, R. C. s’en fut à de vastes placards qui tenaient tout un côté de la mansarde, les ouvrit avec des clefs spéciales, y prit quelques vêtements, un béret, une boîte qu’il jeta sur une table de toilette, et immédiatement se mit à l’ouvrage.

D’abord, il ouvrit la boîte et en tira une soyeuse barbe blonde, et, après avoir puisé à nouveau dans le petit coffret, il en tira une perruque qu’il disposa fort artificieusement sur son front, et dont la teinte était, ma foi, tout à fait pareille à la teinte des cheveux du portrait.

C’était même une chose surprenante que la ressemblance en blond de R. C. et du portrait de cette femme. C’étaient les mêmes yeux noirs, les mêmes traits réguliers et fins, le même ovale aristocratique, le même teint de lait. Un frère ne ressemble point davantage à sa sœur, ni un fils à sa mère !…

Mystère n’est plus reconnaissable. Et quand il aura revêtu ces vêtements qu’il a jetés sur son lit, le large pantalon de velours à côtes, le veston brun de velours, qu’il aura noué sur sa chemise molle la cravate « Lavallière », il vous apparaîtra comme le plus Montmartrois des artistes.

Robert Pascal, qui avait son atelier à la Grande-Hôtellerie-de-la-Mappemonde, se qualifiait modestement, bien qu’il fût un peu peintre, beaucoup sculpteur et tout à fait artiste, ouvrier décorateur.

Mais ses amis, qui savaient ce dont il était capable, le nommaient Benvenuto Cellini !

Nous comprendrons sans doute l’enthousiasme parfait que dénote une semblable appellation quand nous aurons poussé, avec R. C., redevenu Robert Pascal, la petite porte qui donnait de sa mansarde dans son atelier.

Cet atelier était une vaste pièce quadrangulaire admirablement éclairée par un immense vitrage qui avait à moitié remplacé la toiture en zinc couvrant autrefois les mansardes.

Dès que l’on avait mis les pieds dans l’atelier de Pascal, on s’apercevait que cet ouvrier décorateur était surtout un orfèvre comme il n’en existe plus guère de nos jours.

Bien peu des objets qui se trouvaient là — il était facile de s’en rendre compte à première vue — avaient connu le moule. Tout cela