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l’on attendait dans le plus angoissant silence, qu’elle reprît. R. C. seul a fait un geste. Il a voulu relever Mlle Desjardies, mais celle-ci l’a repoussé.

— Le 3 juin, monsieur le procureur impérial, est une terrible date ! J’ai feuilleté tout le dossier de mon père… tant que j’ai pu voir son avocat… et ce dossier, je le connais par cœur… par cœur… eh bien ! j’avais relevé dans le dossier, particulièrement, tout ce qui s’était passé le 3 juin ; c’était bien naturel et cela ne devait pas être long, puisque le drame eut lieu entre sept heures et huit heures du matin. Mon père, lui, s’était, en sortant de chez nous — nous habitions à cette époque la rue de Rivoli — rendu directement au Palais. Quant à Lamblin, le dossier relatait que, sorti de chez lui à cinq heures du matin, il était, d’abord allé chez un de ses amis qui habitait place de l’Hôtel-de-Ville. Quel était cet ami ? Sa femme avait déclaré ne point le savoir… Lamblin aurait dit à sa femme, qui s’étonnait de le voir quitter son domicile de si bonne heure, qu’il fallait qu’il fût très tôt, ce matin-là, au Palais, et qu’il devait passer d’abord place de l’Hôtel-de-Ville, chez un ami avec qui il avait rendez-vous… C’était tout et c’était vague, si vague que l’instruction, monsieur le procureur, n’a pu découvrir qui était cet ami de Lamblin, habitant place de l’Hôtel-de-Ville, et que sa femme ne connaissait pas ! Eh bien ! moi, monsieur le procureur, je l’ai découvert… Je sais chez qui, avant de venir se faire assassiner au Palais de Justice, Lamblin est allé ce matin-là… Il est allé chez Didier, que l’on trouvait, un peu plus tard, suicidé, lui aussi !… Ah ! Monsieur le procureur impérial, ne dites pas non ! J’en suis sûre… Vous comprenez… la date du 3 juin… Didier, employé à l’Assistance publique, avenue Victoria… l’ami de Lamblin, habitant à côté, place de l’Hôtel-de-Ville… Une parole imprudente de Mme Didier à moi, m’avouant qu’avant d’habiter à l’hôtel de la Mappemonde… elle avait habité avec son mari la place de l’Hôtel-de-Ville… Je l’ai pressée… je l’ai pressée… elle est faible… elle est malade… je la soignai… alors… alors, comme elle croyait qu’elle allait mourir… elle m’a avoué… Oui, avant que son mari ne se suicidât, il avait reçu la visite de Lamblin… Elle avait vu, ce matin-là, Lamblin… Monsieur le procureur… Mme Didier est très malade… Elle sait des choses terribles… Elle pourrait mourir… Il faut aller l’interroger, tout de suite… tout de suite… Voilà ce que je voulais vous dire… depuis quinze jours !… Mais enfin, je vous ai vu, vous m’avez entendue… Je remercie Dieu !… Et à vous aussi, monsieur, ajouta-t-elle en se tournant vers R. C… à vous aussi… merci !…

Pendant que Mlle Desjardies parlait, Régine et Eustache Grimm s’étaient, petit à petit, reculés, dissimulés derrière Sinnamari. On aurait dit vraiment que ces hommes cherchaient instinctivement un abri derrière le procureur impérial, comme si un danger inattendu était