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— Le condamné, monsieur le directeur, refuse les secours de la religion !…

Ces paroles étonnèrent M. le directeur qui connaissait, par les rapports des gardiens, les excellentes et consolantes relations du prisonnier et de son confesseur. Il ne crut point opportun cependant de demander des explications.

Le juge d’instruction, accomplissant son devoir, s’était à son tour penché sur le condamné et lui avait demandé s’il n’avait pas, avant de mourir, quelques aveux à faire. Mais Desjardies n’entendit même point que le juge d’instruction lui parlait. Tout son être vibrait encore de cette phrase prononcée par le moine :

— Le condamné, monsieur le directeur, refuse les secours de la religion !…

Desjardies, à cette voix amie, retrouve un peu de force. Il regarde du côté du prêtre et se rappelle l’inscription de la photographie… Le père Saint-François espérait donc, lui aussi, que quelque intervention allait se produire… Il attachait donc quelque importance à ces mots qui priaient le condamné à mort de ne point se faire précéder du prêtre.

Et, à cette idée qui lui vint tout à coup qu’on allait tenter de le raccrocher à la vie, voilà qu’il reconquit toute sa lucidité, toute sa présence d’esprit, voilà que tous ses sens furent, tout d’un coup, prêts à le servir…

Et c’est d’une voix qui ne tremblait plus qu’il dit, à la stupéfaction de tous :

— Je suis prêt !…

Et il marcha, il marcha…

Le cortège se forma. Le condamné se vit, comme à l’ordinaire, entouré de ses quatre gardiens. Le gardien aux yeux d’albinos et à la barbiche blonde était, cette fois-ci, non point derrière lui, mais devant lui. Le bourreau marchait en tête. Le père Saint-François, obéissant à tout hasard aux ordres de la photographie, ne précédait point le condamné, mais se tenait à côté du gardien qui était au côté gauche de Desjardies… Le directeur de la prison, le préfet de police, tous les autres personnages, le greffier, suivaient.

Toutes les facultés de Desjardies étaient en éveil. Il semblait regarder fixement devant lui : en réalité, son regard épiait chaque individu, les pierres du chemin, les cours, les portes, le moindre recoin d’ombre.

Ah ! Il n’avait pas beaucoup de pas à faire pour aller jusqu’à la guillotine… et il lui semblait qu’il en avait déjà fait trop… Encore quelques pas, quelques seuils à franchir, encore quelques portes, et il serait trop tard… Ainsi on passa la porte noire du vestibule, on traversa un petit corridor…

On arrivait maintenant dans les ateliers… Desjardies regarda,