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paroles historiques à la bouche, eurent cette consolation suprême de savoir que leur fin, au bout du compte, si terrible fût-elle, était glorieuse.

Ils avaient l’ostentation sublime de succomber en beauté devant une foule qui pouvait les haïr, mais qui pouvait les admirer. Ce sentiment-là tient un homme tout droit devant le destin.

Mais le misérable qui a été condamné pour le plus vil des crimes et qui est tout seul à se savoir innocent et qui va perdre la vie uniquement parce que quelques événements que nul ne pouvait prévoir l’on fait descendre de la classe honnête et heureuse à la classe assassine, celui-là n’aura rien pour le soutenir à la minute suprême. Tant d’injustice et surtout tant de malchance le trouvent désemparé, à moins qu’il ne soit un saint.

Un saint divinise l’injuste mort, et quand elle viendra ce pourra être encore du bonheur pour sa foi. Mais un homme qui n’est pas un saint, qui est simplement un homme, ayant droit à la vie comme tous les hommes, et dont le supplice ne servira qu’à déshonorer la mémoire et à jeter au désespoir, à la ruine, à la folie, à la mort, ceux qu’il aime, cet homme-là a le droit de trembler devant l’échafaud.

Un assassin s’est fait à cette idée qu’un jour il pourra être assassiné à son tour, selon la loi du talion, qu’il connaît et qui est inscrite dans le code. Il peut se dire, quand on le jette sur la planche fatale : « J’ai perdu la partie ! » Mais Desjardies, lui, n’avait joué aucune partie. C’était un homme heureux et prudent qui n’était pas joueur.

Il se contentait de vivre selon la règle, en harmonie avec la société, et celle-ci, tout à coup, venait le tuer au nom de la règle. Qu’est-ce que tout cela signifiait ?… Il ne comprenait pas !… Il ne voulait pas comprendre que l’heure de la mort était venue.

Et, à ces hommes noirs qui lui demandaient d’avoir du courage, il répondait : Non !…

Le directeur de la prison était là, debout devant lui, aussi pâle que lui, et lui disait : « Du courage ! Votre grâce a été rejetée ! Du courage ! »

Obstinément, il secouait la tête. Il répondait : « Non ! Non ! Non ! » On n’entendait que ce mot : Non ! Il secouait la tête comme un enfant… Il disait : Non !…

Et puis, il dit encore : « Je suis innocent ! » Et il regarda ces hommes noirs, le directeur de la prison, le préfet de police, le juge d’instruction qui lui demandait s’il avait des révélations à faire. Et il dit :

— Non ! Non ! Non !

Et il tendit les bras comme un naufragé qui espère une main, un appui, un secours, et qui va disparaître et qui crie au secours !

Alors, comme un gardien avait pris son pantalon et son pardessus