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était enfermé dans sa cellule de la Roquette, il avait toujours accueilli le prêtre, qui était venu lui apporter les consolations de son ministère, avec une joie reconnaissante.

Ce prêtre n’était point l’aumônier ordinaire de la prison qui, malade, était momentanément remplacé par un père récollet. C’était un bon vieillard du couvent de la rue de Puteaux, ami de l’aumônier, un ancien médecin qui avait eu beaucoup à souffrir de la vie et qui s’était réfugié dans la paix du couvent, ce vestibule du tombeau.

Desjardies lui avait, à lui aussi, crié son innocence, et il avait eu cette suprême douleur de voir que, lui aussi, croyait, malgré ses cris, à sa culpabilité.

Il ne lui disait point, mais Desjardies sentait bien que la pitié profonde qu’il manifestait pour son sort s’adressait uniquement au grand prêcheur qu’il était devant les hommes et devant Dieu ! Alors, Desjardies demanda à se confesser. Le condamné se disait : « Peut-être cet homme va-t-il croire enfin que je ne mens pas à Dieu !… »

Il se confessa donc et le père Saint-François, cette fois, crut en effet à l’innocence de Desjardies. Quand le condamné releva la tête après avoir reçu une absolution donnée d’une voix tremblante, il vit que le père Saint-François pleurait.

Il alla trouver son ami l’aumônier, se pencha sur son lit et lui confia qu’en dehors de la confession dont il ne pouvait violer le secret, il s’était fait une conviction ferme et définitive sur l’innocence de Desjardies et il lui demanda ce qu’il pouvait tenter auprès des hommes pour leur éviter une épouvantable erreur judiciaire.

L’aumônier eut un triste sourire et lui conseilla de faire ce qu’il avait tenté deux ou trois fois lui-même dans des circonstances analogues : voir le garde des sceaux.

Le père Saint-François demanda à l’aumônier quel avait été autrefois le résultat de ses visites au garde des sceaux. On lui avait répondu :

« C’est le vieux truc de la confession ; nous le connaissons !… »

— Et alors ? avait encore demandé le père Saint-François.

— Et alors il arriva que je finis par me dire, moi aussi : c’est peut-être le vieux truc de la confession… et qu’il me fut difficile, depuis, malgré l’accent le plus sincère, de croire profondément à ce qui m’était confié… Ma confiance était empoisonnée…

— Si vous aviez entendu cette voix-là, s’écria le père Saint-François, peut-être auriez-vous fait confiance à l’homme qui crie son innocence sans que personne l’entende ! Desjardies est innocent !

— Faites comme s’il l’était, mon père, répliqua l’aumônier.

Et le père Saint-François s’en fut trouver le garde des sceaux qui lui répondit en souriant « que cela devait fatalement lui arriver pour son premier condamné à mort. »

Le père Saint-François comprit qu’il ne lui restait plus qu’à préparer