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cellules des condamnés à mort étaient isolées de toutes les autres cellules. Nous voudrions maintenant faire comprendre au lecteur le chemin que l’administration de la Roquette faisait suivre aux condamnés à mort conduits à l’échafaud.

Le lugubre cortège, avant 1870, accomplissait un trajet interminable. Ce n’est qu’après 1870 qu’on avait adopté un nouveau trajet, qui ne fut plus modifié jusqu’à la démolition de la prison, et qui fut suivi par le dernier condamné à mort exécuté.

Le condamné à mort sortait du vestibule qui précédait sa cellule par la porte peinte en noir dont j’ai déjà parlé. Cette porte donnait sur un couloir qui passait derrière le corps de garde placé à droite, au fond de la grande cour. Sans que l’on ait jamais su pourquoi, on ne voulait pas faire traverser au condamné cette grande cour. C’est pourquoi on l’astreignait à la lugubre promenade par les dortoirs pour le faire aboutir enfin aux ateliers.

Il traversait ainsi trois ateliers, déserts à cette heure, et retombait dans un couloir. Au bout de ce couloir, il y avait une porte. Cette porte donnait dans l’arrière-greffe ; là, on le livrait aux aides du bourreau pour sa dernière toilette. C’est dans cet arrière-greffe, appelé aussi avant-greffe, que devaient l’attendre le Vautour et Patte d’Oie.

Nous avons dit comment on accédait au greffe par le guichet qui se trouvait au fond de la première cour. Quand le bourreau, le Vautour et Patte d’Oie arrivèrent sous le guichet, un gardien leur en ouvrit la porte. Le bourreau marchait en tête ; ses deux aides, tête baissée, suivaient.

Le bourreau demanda :

— Ces messieurs sont arrivés ?

— Oui, répondit le gardien, ils sont chez M. le directeur.

Sur quoi, le bourreau entra à droite dans le greffe, salua le greffier-chef qui était debout devant son pupitre, sur lequel était le registre d’écrou. Le greffier répondit d’un signe de tête, et Hendrick, sans un mot, alla signer sur le registre l’élargissement de Desjardies. À ce moment, il était déjà censé avoir reçu Desjardies, et c’est lui qui en devenait responsable.

Régulièrement, ou plutôt raisonnablement, il n’eût dû signer qu’au moment où il quittait la prison avec le patient, mais à cette minute suprême on avait jugé que c’était là faire perdre du temps au bourreau, et ainsi ajouter au supplice du condamné.

Le bourreau fit signe au Vautour et à Patte d’Oie qui étaient restés sous le guichet et qui, sournoisement, examinaient les lieux. Ce guichet était fermé par la porte qu’ils venaient de franchir, par la porte en face d’eux qui donnait sur la Détention et par là sur la grande cour. À gauche, ils avaient la porte ouverte du parloir, fermé dans son milieu par une double grille. À droite, la porte de l’arrière-greffe. Le greffe