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» Passé par devant Me Mortimard, notaire à Paris, quai Voltaire. Fait et signé double, le… juin 186… Gabrielle Desjardies et, pour la Compagnie A. C. S. Valentin Cousin. »

— Tout cela pour cent sous ! fit la Mouna, et elle dit cela si drôlement que tout le monde éclata de rire.

R. C. lui-même parut s’amuser beaucoup de la réflexion de la Mouna. Cependant, il lui dit :

— Il y en a qui ont payé un million !…

— C’est cher ! fit encore la Mouna. Alors, c’est trop cher. Un million !

— Tout dépend de la fortune. Ça n’est rien pour Teramo-Girgenti.

— Vous pratiquez l’impôt sur le revenu ! observa Raoul Gosselin.

— Et aussi l’impôt forcé ? demanda Marcelle Férand, en souriant à R. C.

— Quelquefois ! répondit R. C. simplement. Mais n’est-ce pas là privilège de roi ?… Voyez-vous, moi, je désire que tout le monde vive, du moins tous ceux qui m’intéressent. Alors, quand j’ai trop de pauvres… je fais dire un mot à mes riches…

— Vous êtes délicieux ! interrompit Marcelle Férand. Vous êtes un bandit tout à fait civilisé, monsieur le roi !… Vous ne me faites pas peur du tout !…

— À moi non plus, gémit amoureusement la Mouna.

— Pourquoi vous ferais-je peur ? Je suis un homme d’affaires, tout simplement. Et je ne demande qu’une chose, c’est à augmenter honnêtement ma clientèle.

Marcelle Férand battit joyeusement des mains.

— Je veux en être !…

— Moi aussi ! dit la Mouna.

Et la tragédienne pria Raoul Gosselin de lui payer une assurance.

— Hum ! fit Gosselin, si Sa Majesté vous demande un million !…

— Non, madame, je ne vous demanderai qu’un peu de votre talent…

— Comment cela ?…

— Je vous demanderai une représentation des Martyrs pour les pauvres des Catacombes !…

— Oh ! parfait ! C’est entendu ! C’est promis ! s’écria l’artiste. Une soirée pour les pauvres des catacombes ! En voilà une histoire qui fera courir tout Paris ! Quand signe-t-on le contrat ?

— Vous pourrez passer demain à mon étude, madame, fit Me Mortimard.

— Non, répliqua R. C., Me Mortimard se dérangera. Nous vous ferons des contrats d’amis à vous, madame, et à Mlle la Mouna et nous les signerons joyeusement chez mon ami le comte de Teramo-Girgenti, le soir de sa pendaison de crémaillère…