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Rien, rien ne pouvait faire croire à Desjardies que l’un ou l’autre de ces hommes fût celui qu’il cherchait. Ils avaient été toujours aimables avec lui, mais tout juste comme le permettait le règlement.

Ils lui avaient laissé la liberté de se lever, de se coucher, de s’asseoir, de marcher. Ils lui avaient proposé des parties de cartes, ils lui avaient offert des cigarettes. Tout cela n’était compromettant pour personne, c’étaient là les ordinaires douceurs permises à un condamné à mort.

La société, dans les dernières heures de vie qu’elle accorde à un condamné, s’humanise. Elle n’hésite pas à mettre la main à la poche pour acheter le petit tabac et le pain blanc.

Ma foi, oui ! le condamné à mort a du pain blanc, et même du bouillon et du bœuf, tous les jours. C’est le régime de l’infirmerie.

Cet homme que l’on va tuer est soigné comme un malade. Et cela dure de 40 à 45 jours ! Il y avait quarante-quatre jours exactement que Desjardies était dans sa cellule…

Son regard maintenant faisait le tour de la pièce… Comment ? De quel côté ?… Par où allait lui venir le secours annoncé ?… Par la porte ou par la fenêtre ?… Le plafond s’entrouvrirait-il ?… Le parquet se soulèverait-il ?…

Hélas ! En admettant n’importe quoi, quel serait le résultat d’une pareille tentative ?… Est-ce que ses gardiens n’étaient pas toujours avec lui ? Au moindre mouvement, ils se précipiteraient sur le cordon de la sonnette, pendu là contre le mur… et l’on accourrait à leur secours…

Desjardies regardait encore cette salle si nette, si vide, si sonore qui était sa prison, où rien ne pouvait se cacher… ce parquet lisse, le poêle de faïence, la toute petite armoire où il avait enfermé ses habits à lui, les habits qu’on lui rendrait le matin du supplice, car enfin la société peut être bonne pour le condamné à mort sans pour cela gaspiller… Il y aurait gaspillage, si on tuait l’homme avec les habits de la société…

Il y avait encore, dans cette cellule carrée, très haute de plafond, une table, trois chaises de paille et un lit de sangle. La porte donnait, comme je l’ai dit, sur le vestibule ; la fenêtre, à deux battants, munie de barreaux et d’une trame métallique, placée très haut, donnait sur le premier chemin de ronde, car il y avait deux chemins de ronde à la Roquette. Sous la fenêtre du condamné à mort, dans le premier chemin de ronde, il y avait une sentinelle.

Desjardies secoua la tête, découragé ; il fit quelques pas, se laissa retomber sur sa couchette. La pensée de ces mots sur la photographie de sa fille ne le quittait pas…

Comment ? comment ?… Les gardiens précédents… L’un des quatre gardiens, au moment de la promenade ?… Il s’arrêta un moment à cette idée… Il crut qu’il allait peut-être pouvoir comprendre…

À la promenade, il avait un gardien devant lui, un par-derrière, un