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— Liliane !… Liliane ! Donnez-moi une lumière ! commanda-t-il.

On lui alluma une petite lanterne de jardin.

— Voulez-vous que je descende avec vous, monsieur ? demanda le maître d’hôtel.

— C’est inutile !… Restez tous ici !

Et Sinnamari entra dans le trou noir et descendit les premières marches du petit escalier.

Les domestiques le regardaient s’enfoncer dans la terre. Soudain, la muraille, devant eux, remua. Le mur, de lui-même, se refermait !… Et quand ils se ruèrent dessus, il ne bougea plus… pas plus, comme on dit, que « la pierre du tombeau ! »

Alors le maître d’hôtel de Liliane, qui ressemblait à s’y méprendre au maître d’hôtel qui avait servi son dernier dîner à ce pauvre Eustache Grimm, dit :

— Que la volonté du Maître soit faite !

En quittant Sinnamari, Liliane n’était point descendue dans le mystérieux escalier, comme l’avait raconté la femme de chambre ; elle était montée tout droit dans cette chambre que nous connaissons bien, dont l’unique fenêtre était garnie de barreaux, et qui avait servi de prison à sa mère.

Quand elle en eut poussé la porte, elle se trouva en face de son frère qui, sous les aspects du comte de Teramo-Girgenti, vint à elle et l’embrassa longuement, tendrement.

— Allons ! Le moment est venu…

Et il fit asseoir Liliane sur cette petite chaise où s’était assise leur mère quand elle rédigeait ses horribles mémoires, aux heures sinistres de son martyre et de sa folie.

— Qu’allez-vous faire, mon frère ? demanda Liliane.

— Je vais ressusciter notre mère, Liliane… répondit le comte.

Et il ajouta qu’il avait apporté dans cette chambre tout ce qu’il fallait pour cela. Alors, il prit entre ses mains le visage de Liliane, qui lui obéissait docilement, et avec les ingrédients qui se trouvaient à sa portée, il eut tôt fait de transformer ses joues fleuries, ce front jeune et charmant en une effroyable tête de morte…

Soudain Teramo-Girgenti la prit par la main et la conduisit devant une glace. Liliane poussa un tel cri d’horreur que toute la petite maison de la rue des Saules en retentit comme aux temps où l’on martyrisait la morte. Elle avait vu son propre spectre !

— Je suis morte ! s’écria-t-elle en fuyant son image.

— … Non ! ma mère… fit Teramo d’une voix tremblante, car son œuvre lui aussi l’épouvantait… tu es ressuscitée !…

Le cri de Liliane avait attiré les domestiques dans le vestibule et dans