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— Dites que nous sommes enfermés ! Et vous approcherez de la vérité.

— Et pourquoi serions-nous enfermés ?… implora d’une voix expirante le malheureux directeur.

— J’allais vous le demander…

— C’est un traquenard, c’est une trahison… On veut me tuer !… On veut… Au secours !… Au secours !…

Soudain, Eustache Grimm se tut. Il venait de sentir sur son front le froid d’un canon de revolver. Le bon Lambert lui disait :

— Si vous appelez encore une fois au secours, monsieur le directeur, je serai dans l’obligation de vous tuer !…

Grimm se laissa tomber sur un escabeau.

— Vous ne feriez pas cela, Lambert… Pourquoi voudriez-vous me tuer, Lambert ?…

— Parce que je suis là pour cela !…

— Vous êtes là pour me tuer ?

— Pour vous tuer, si vous criez !…

— Et si je ne crie pas ?…

— Si vous ne criez pas, alors je suis là pour vous faire la lecture…

Ce disant, le bon Lambert alla pousser un petit loquet de bois qui ferma complètement le jour du judas, alluma une chandelle qu’il trouva dans un coin, apporta la chandelle sur la table, entre le livre, le carnet de chèques, la cruche à eau et le morceau de pain ; puis il s’assit et ouvrit le livre… Eustache Grimm le regardait, ne comprenant rien à son manège, et se demandait s’il rêvait… Une hypothèse effroyable cependant commençait à lui apparaître au fond, tout au fond de sa conscience épouvantée, c’est que l’heure de la vengeance et de l’expiation pouvait bien avoir sonné pour les crimes d’autrefois… Et que Lambert, l’huissier Lambert, ce bon Lambert, semblait être l’un des principaux instruments de cette vengeance et de cette expiation.

— Voulez-vous, monsieur, que je vous lise quelque chose d’amusant ? Et qui nous fera passer quelques minutes agréables dans cette solitude ?… Nous avons justement là les aventures du comte de Monte-Cristo, je ne les connais pas et j’en ai souvent entendu parler ; ce me sera une véritable joie que de vous les lire ; seulement, permettez-moi une petite faiblesse… Je suis fort curieux de ma nature, et quand je lis un roman je commence toujours par la fin, sans quoi, je n’aurais pas le courage d’en attendre le dénouement.

Sur quoi, Lambert ouvrit le volume dans ses dernières pages, commença de lire à l’instant où le baron Danglars, qui était un banquier dont Monte-Cristo avait à se venger, se trouve enfermé dans une caverne de bandits, aux environs de Rome. Le baron Danglars était gardé par un sieur Peppino, comme dans la minute même Eustache Grimm était gardé par ce bon Lambert ; tout cela ne