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qu’il avait peur de faire arrêter le fils de ses victimes !… Et pour la première fois, il douta de lui-même, car, jusqu’alors, il avait cru qu’il n’avait peur de rien !… Il se rassit, tête basse. Quand il releva le front, il semblait avoir pris une grave résolution.

— Monsieur, dit-il, pas de paroles inutiles entre nous !… Vous savez qu’il me suffit d’un geste pour vous faire arrêter, d’un mot pour perdre Mlle Desjardies qui est derrière cette porte, et cependant que vous ne reverrez jamais, si je le veux !… Eh bien ! je vais vous proposer ceci, moi, procureur impérial : la liberté, la sécurité pour vous, pour Mlle Desjardies et… pour son père, si vous voulez disparaître à jamais…

— D’où ? demanda R. C., avec un sourire que Sinnamari ne vit point, car il en eût été épouvanté.

— De mon chemin !

R. C., entendant ces mots, s’assit au bureau de Sinnamari en face de lui… Et, le regardant dans les yeux, la voix basse et sifflante :

— C’est tout ce que vous avez trouvé. Votre justice a assassiné mon père, vous avez torturé ma mère, ma sœur a été livrée, à cause de vous, à la plus vile prostitution… Et moi ?… Qu’avez-vous fait de moi ?… Quelque chose de formidable et de ridicule, un homme dont on ne peut pas parler sans trembler ou sans rire : le roi des Catacombes !… L’empereur et le paillasse du crime !… Et quand, pour la première fois, nous nous rencontrons face à face, sachant, moi qui vous êtes, et apprenant enfin, vous, qui je suis, voilà ce que vous trouvez à me dire : « Disparaissez de mon chemin !… » Voilà tout ce que vous me proposez… Un pacte qui me donne à moi la liberté et qui vous donne à vous, au nom du père assassiné, de la mère violée, de la fille flétrie et du fils maudit, le pardon !… L’oubli de vos crimes !… Insensé !…

Et Robert Carel rit, rit effroyablement. Il reprit, farouche :

— Savez-vous pourquoi je suis venu vous trouver aujourd’hui, monsieur le procureur impérial ?…

— Pour chercher Gabrielle Desjardies, que je ne vous donnerai jamais…

— Oui, pour chercher Gabrielle Desjardies, qui va descendre, tout à l’heure, de ce palais, à mon bras… et aussi pour autre chose de très important. Pour vous apprendre ceci : « Monsieur le procureur impérial, je vous ai condamné à mort ! »

— Monsieur ! gronda Sinnamari. J’ai grande envie de vous tuer !…

Et il fouilla dans son tiroir…

— Ici ! railla R. C. Vous auriez tort !… Cela ferait beaucoup de cadavres dans vos bureaux, monsieur le procureur impérial !… On finirait par se douter de quelque chose, et ce nouveau scandale ne serait certainement point du goût de M. le procureur général, qui sera ici dans trois minutes…