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— Faites entrer ! dit-il…

Le roi des Catacombes entra. Il salua, enleva son chapeau de feutre, ouvrit son pardessus et, sous ce vêtement, se montra dans le curieux habit noir sous lequel Sinnamari l’avait vu pour la première fois dans le salon Pompadour de la place de la Roquette. L’homme paraissait désarmé.

Quand ils furent seuls, R. C. prit le premier la parole.

— Je suis en retard de cinq minutes, fit-il… Vous m’excuserez, mais la faute en est à M. Desjardies, que j’ai amené avec moi et qui s’est trouvé mal de joie dans ma voiture quand je lui ai annoncé qu’il allait revoir sa fille…

M. Desjardies !… s’écria Sinnamari. Desjardies est avec vous ?… Vous l’avez amené avec vous ?…

— Il m’attend en bas, dans ma voiture.

Le procureur regarda le jeune homme… longuement. Tant de confiance en soi-même finissait par le remplir d’admiration. Le silence qui régnait entre ces deux hommes était effrayant. La destinée de chacun d’eux se décidait pendant ce silence-là… Des paroles définitives allaient être échangées après ce silence-là…

— Vous savez ce que vous risquez, en venant me braver ainsi, moi, procureur impérial, dans mon cabinet, au Palais de Justice ?… fit lentement Sinnamari…

— Rien !… Sans quoi je ne serais pas venu… Je ne risque jamais rien !… Vous savez pourquoi je suis venu… Je viens chercher Mlle Desjardies, que vous avez fait enlever… Où est Mlle Desjardies ?

— Là !… répondit Sinnamari.

Et très calme, il montrait la porte qui donnait sur le bureau du substitut…

Robert Carel fit un mouvement vers la porte. Sinnamari étendit la main.

— Un instant, dit-il.

— Je suis pressé, fit remarquer sur le ton du plus insistant mépris le roi des Catacombes.

— Pas plus que moi, répliqua Sinnamari. Et cependant vous n’êtes pas encore arrêté !…

Robert Carel pâlit comme sous une mortelle offense en entendant ce mot : « arrêté ». Il croisa les bras :

— Je suis ici seul, sans armes, devant vous, qui avez l’armée et la police à votre disposition, et un revolver dans le tiroir de votre bureau. Et cependant, je vous jure que vous ne m’arrêterez pas !

— Pourquoi ? demanda Sinnamari se levant.

— Parce que je ne le suis pas déjà !…

Il y eut un nouveau silence. La réplique était terrible pour Sinnamari. Elle lui révélait à lui-même ceci qui était l’absolue vérité :