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ne pouvait s’imaginer qu’on pût venir les troubler dans leur retraite, et tous ignoraient qu’on pût entrer dans la salle du conseil autrement que par l’unique porte qu’ils connaissaient. Ce n’est qu’en voyant le Vautour, en face d’eux, se lever tout droit, les yeux fixés sur un objet inconnu, qu’ils détournèrent la tête et découvrirent le roi, dans le moment même qu’il prononçait d’une voix singulièrement calme : « Qui donc a dit que le roi était mort ? »

Ils eurent un mouvement de recul, et puis vite ils se ressaisirent. Est-ce que, par un hasard providentiel, celui-ci ne venait pas justement s’offrir à leurs coups ? L’occasion était bonne et ils allaient pouvoir en finir tout de suite avec leur tyran. Un coup d’œil échangé entre eux les confirma dans leur résolution. Ils s’étaient tous compris.

Le roi, sans une marque apparente d’émotion, s’avança vers la table autour de laquelle ils se tenaient maintenant tous debout dans l’attente de l’événement.

Du haut de son observatoire qu’il n’avait pas quitté, car le roi avait disparu sans prévenir le Professeur ni Cassecou, le Professeur regardait la scène. Quand il aperçut tout à coup dans la salle rouge R. C., le Professeur ne put retenir l’expression de son angoisse : « Ils vont l’assassiner ! » C’était aussi l’avis de Cassecou et tous deux regrettèrent qu’il les eût quittés ou qu’il se fût lancé dans une aussi audacieuse entreprise sans leur avoir fait signe. Cassecou ne l’aurait pas laissé s’exposer tout seul et, ma foi, le Professeur, qui cependant n’avait rien à gagner dans une histoire dont il ne connaissait pas le premier mot, l’aurait suivi, pour l’amour de l’art.

— Qu’il est beau ! s’écria le Professeur. Qu’il est brave ! Voilà un roi comme je les aime ! Admirons-le, monsieur Cassecou, pendant qu’il en est temps encore !

— Ah ! Si je savais par où passer pour le rejoindre ! grondait Cassecou en fermant les poings.

Mais il ne le savait pas, et force lui fut de regarder la scène sans s’y mêler…

R. C. venait de jeter son épée sur la table.

— Quelle imprudence ! murmura le Professeur.

R. C. venait d’envoyer ses pistolets rejoindre son épée. C’étaient de ces singuliers pistolets à répétition, armés de mystérieux « chargeurs » dont les cartouches, à volonté offensive ou inoffensive, tuaient ou faisaient semblant de tuer. En vérité, l’affaire était simple : certaines cartouches étaient à balle et d’autres en étaient privées.

Ainsi R. C. se trouvait complètement désarmé.

— Notre roi est devenu fou ! gémit le triste Cassecou.

Les six firent un mouvement vers la proie facile qui s’offrait à eux, mais le roi les regarda d’une façon si terrible que pas un n’osa l’affronter, n’osa se ruer sur lui ! Il avait les bras croisés et ses yeux les