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servi l’A. C. S., le roi des Catacombes leur rendait une absolue liberté et quelquefois même leur payait une maison de campagne, ce qui, chez Dante, ne se voit que dans la partie du poème affectée au purgatoire. Tout ceci pourrait paraître bien extraordinaire si l’on ne réfléchissait encore une fois que, en fait d’organisation de brigands, le roman ne saurait rien imaginer et que la lecture des faits divers nous dévoile chaque jour les plus extravagantes combinaisons. Au fond, on peut tout avec de l’argent ; avec lui, on est maître du ciel et de la terre, on s’assure toutes les complicités nécessaires à notre dessein, si singulier soit-il ; on triomphe partout. Or, R. C. avait beaucoup d’argent.

Au fur et à mesure que défilaient les différents tableaux de cette revue souterraine, le Professeur se retournait vers R. C. et semblait se demander : « Est-il possible, justes dieux, que ce jeune homme, que je prenais pour un habile ouvrier orfèvre, soit le maître de tout ceci ? » Mais R. C. lui désignait du doigt l’ouverture lumineuse et répétait :

— Regardez ! De tous vos yeux, regardez !

Il vit d’admirables jeunes gens, beaux comme des demi-dieux, qui, dans une salle d’armes rayonnante, se livraient des assauts furieux et finissaient d’apprendre le métier de l’épée, celui qui permet à coup sûr de coucher sur le terrain un adversaire condamné par R. C. Il vit, après la bande blanche, la bande noire ; après celle de l’épée, celle qui assassine avec le couteau. Car l’association contre la société (l’A. C. S.) avait ses crimes nécessaires comme la société elle-même…

Toutes les classes de la société avaient là leurs représentants prêts à servir l’A. C. S., soit avec la loi, soit contre la loi, mais toujours selon un idéal de droit éternel qui avait fait déjà beaucoup d’heureux et beaucoup de cadavres.

Le Professeur sut que la bande blanche n’avait aucun rapport avec la bande noire, et que les différentes sections n’avaient aucun point de contact entre elles et qu’elles ne pouvaient communiquer que par un couloir circulaire, où seuls les chefs de ces sections pouvaient passer, quand R. C. ou son lieutenant dit le Vautour, les faisaient demander. Le Professeur vit la salle des Rapports. C’était la plus immense. C’est dans cette salle des rapports que se tenait la section de l’espionnage. Là, tous les agents d’en haut venaient livrer leurs secrets, qui leur étaient grassement payés et qu’ils avaient dérobés partout où le conseil de l’A. C. S. l’avait jugé nécessaire. L’A. C. S. avait du reste des oreilles partout, et le conseil des Dix, à Venise, ne fut pas mieux servi que le conseil de l’A. C. S. à Paris.

Cette salle était bizarrement disposée en une sorte de multiple labyrinthe en bois dont les allées étaient tracées de telle sorte qu’une cinquantaine de personnes pussent s’y promener sans jamais se rencontrer. Comme à Venise, des boîtes secrètes étaient à la disposition du passant. Enfin, dans un coin de la salle, il y avait les