Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui-même, l’homme fort que rien n’atteint, que rien n’étonne et qui ne peut que vaincre…

Il poussa une petite porte qui donnait sur une chambre secrète et ordonna à Cassecou et au Professeur de l’y attendre. Puis il retourna dans les salons, qui étaient légèrement houleux et où l’on s’entretenait avec mille commentaires des dernières scènes qui avaient suivi le récit si intéressant du comte. Sinnamari se donnait le luxe de défendre le comte contre les méchantes langues, lesquelles, croyant faire leur cour au procureur, ne se gênaient presque plus pour traiter Teramo-Girgenti en aventurier. Il affirmait que le comte était son meilleur ami, qu’il lui avait été recommandé par les premiers personnages de l’Europe, qu’il était allié à la plus vieille noblesse espagnole et italienne, mais qu’il manquait un peu de ce parisianisme que ne saurait donner la plus vaste fortune, mais qui s’acquiert très vite pour peu qu’on soit intelligent. Or, Sinnamari ne refusait pas au comte l’intelligence. Dans quelques semaines, Teramo-Girgenti comprendrait lui-même combien il avait montré de mauvais goût en voulant « épater Paris avec des histoires de revenants ».

Ces dernières paroles furent entendues du comte, qui arrivait. Il remercia Sinnamari de vouloir bien excuser les excentricités d’un homme qui revenait de l’autre monde et qui n’avait encore pris qu’un contact insuffisant avec celui-ci. Il paraissait tout à fait désinvolte, et il dit avec un bon rire, un peu confus :

— Eh bien ! Maintenant que je vous ai fait bien peur, nous allons nous amuser…

Il donna des ordres pour que la représentation commençât dans le petit théâtre de l’hôtel, cependant qu’il retournait à la porte de la grande galerie pour recevoir les invités de la soirée, qui commençaient à affluer. Comme la représentation battait son plein et qu’on applaudissait Marcelle Férand et Liliane, il disparut à l’anglaise.

Cinq minutes plus tard, il entrait dans la petite chambre secrète où Cassecou et le Professeur l’attendaient toujours. Seulement, ce n’était plus le comte que ceux-ci virent entrer, c’était le magnifique jeune homme habillé de ce costume noir et de ces dentelles d’un prix inestimable que nous avons vu apparaître dans le salon Pompadour de la place de la Roquette. Une résolution terrible se lisait dans son fier regard. Une épée lui battait au côté et il avait de singuliers pistolets à la ceinture.

— Robert Pascal ! s’écria le Professeur, qui reconnut l’ouvrier orfèvre, malgré la différence de teinte de ses cheveux et qui hésitait à en croire ses yeux.

— Le roi ! fit Cassecou en se levant.