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vous moquez pas un peu de nous ?… Vous allez retrouver ce soir ici un cadavre qui est enterré dans une maison de Montmartre ?

— Ne vous ai-je point promis des expériences plus curieuses encore ? reprit Teramo. Qu’est-ce que découvrir un cadavre pour un homme qui a la prétention de le faire revivre ?

— Après l’avoir trouvé, vous ferez revivre ce cadavre ?

— Je le jure !

— Eh bien ! Pour voir… Trouvez-le d’abord, et nous parlerons de la résurrection ensuite ! fit Sinnamari avec un rire qui sonnait faux.

De fait, le comte était si sérieux en disant d’aussi apparentes extravagances que les plus forts, que le plus fort, même Sinnamari, ne pouvaient manquer d’en être impressionnés.

— Attention ! Monsieur le procureur, fit Teramo tout à coup, je commence !…

— À quoi ?

— À retrouver le cadavre… Je ne vous demande qu’une chose, c’est de ne point m’interrompre… quoi que je dise… quoi que je fasse… pas un mot… et je réponds de l’expérience !…

Le comte fit asseoir tout le monde. Seul, il resta debout, dominant l’assemblée, devant Sinnamari, très intrigué, et… un peu inquiet.

— La petite maison où a été enterré le cadavre, commença Teramo, se trouve à mi-flanc de la Butte, dans une ruelle déserte. C’est là qu’un soir, sur mes indications, Robert Carel, le fils du guillotiné, R. C., le roi des Catacombes, pour tout dire, se rendit pour y chercher le cadavre de sa mère. Or, sachez que par hasard, ce même soir, le magistrat assassin qui n’avait point remis les pieds dans cette propriété depuis plus de vingt ans, s’y rendit aussi, poussé sans doute par la secrète intuition que la sécurité dont il avait pleinement joui jusqu’alors se trouvait tout à coup en danger.

» Caché dans un coin de la maison, le fils vit venir à lui le bourreau de sa mère et il pensa que c’était le ciel qui le lui envoyait, non point pour faire naître l’occasion d’une immédiate vengeance, car il est des crimes pour qui la mort seule serait un trop mince châtiment, mais pour l’aider dans sa pieuse recherche… Pour lui montrer l’endroit où les bandits avaient caché la preuve de tous leurs forfaits !…

» Sans la rencontre providentielle de ces deux hommes, cette nuit-là, R. C. ignorerait encore l’existence d’une porte secrète qui le conduisit dans un immense caveau dissimulé dans les fondations mêmes de la maison… L’assassin marchait devant… et il ne se doutait pas, après avoir ouvert la porte, qu’à quelques pas derrière lui, dans les ténèbres de l’étroit escalier, il était suivi par le Vengeur !… L’assassin pénétra dans le caveau et en fit lentement le tour, puis il remonta, précédé maintenant dans l’escalier par R. C., qui avait assisté de loin à cette promenade silencieuse… L’assassin quitta, complètement rassuré, la