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— Évidemment, répliqua le notaire, puisque vous avez signé l’acte de donation.

— Mais c’est impossible ! C’est une erreur de votre part ou une ridicule plaisanterie ! Je n’ai jamais rien signé de pareil !

— Eh bien ! interrompit Liliane, très calme. Heureusement, Me Mortimard, que vous m’avez dit que tout était en règle, sans quoi je vois que monsieur tient tellement à sa propriété que, après me l’avoir donnée, il n’hésiterait pas à me la reprendre… Et ça dit que ça m’aime !

— Allons, allons ! Parlons sérieusement, reprit Sinnamari, qui, de pâle qu’il était tout à l’heure, était redevenu très rouge… Vous m’avez lu l’autre jour, Me Mortimard, un acte de donation par lequel je donnais à mademoiselle ma propriété de Brétigny…

— Pardon ! Pardon !… Celle de la rue des Saules !

— Vous avez lu : « Brétigny » !… Je vous entends encore…

— J’ai lu : « rue des Saules… » Et vous avez signé !…

— Mais enfin ! Dans la lettre que je vous ai écrite, en vous demandant de préparer l’acte de donation, je disais : « Brétigny ».

— Vous disiez : « rue des Saules !… » Du reste, c’est bien simple, la voilà !

Et Me Mortimard fouilla dans son portefeuille, d’où il tira la lettre, objet du litige.

Nerveusement, Sinnamari s’en empara et lut :

— Il y a en effet « rue des Saules », fit-il, mais il y a faux, car ceci n’est point de mon écriture.

— Non, répliqua Liliane très tranquillement, c’est la mienne !

— Ah ! Vous voyez bien ! s’écria Sinnamari.

Et il se retourna, furieux, vers Liliane :

— Vous faites des faux, maintenant ? Qu’est-ce que cela signifie ?

— Cela signifie que je voulais cette propriété et que je l’ai !

— Ah ! vous l’avez ! Il va falloir me la rendre !

— Non ! Elle est à moi ! Et elle restera à moi ! À moins, mon beau Sinna, à moins…

Et Liliane entoura, de ses deux beaux bras frais, le cou de Sinnamari, dont la colère s’amollissait déjà…

— À moins que vous ne me traîniez devant vos juges, mon beau procureur…

— Oh ! Liliane ! soupira Sinnamari sous la caresse de sa maîtresse. Qu’est-ce qui vous fait désirer ainsi cette bicoque perdue dans un infâme quartier de Montmartre ?… Parlez-moi sincèrement, Liliane… qu’est-ce qui vous a soufflé ce désir ?…

— Personne !…

— Vous me le jurez ?…

— Je vous le jure !…

— Pourquoi ?