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monsieur le directeur, ce pauvre Didier n’est pas bien dangereux, allez ! Il est amoureux, et il arrive tant de vilaines histoires aux amoureux… »

— C’est bon ! Il est tout à fait inutile de reparler de ces choses qui sont du reste sans importance.

— Pardon ! Pardon ! insista Lepage. C’est vous le premier, monsieur le directeur, qui vous êtes tourmenté sur le sort de ce pauvre Didier… Vous avez été très intéressé alors par ce que je vous disais des amours de Didier, monsieur le directeur, et quand vous eûtes appris qu’il était amoureux d’une jeune femme en possession d’un amant fort jaloux, vous vous êtes mis à le plaindre si sincèrement qu’on eût pu croire qu’il était déjà arrivé malheur !…

— Oh ! interrompit Grimm en soufflant… Vous me disiez donc, monsieur Lepage, qu’il vous faut cinquante mille francs.

— L’amant, continua l’employé sans prendre garde à l’interruption, un nommé Costa-Rica, reçut communication d’une lettre signée Didier dans laquelle Didier donnait rendez-vous à la Mouna, maîtresse de Costa-Rica, chez lui Didier, en l’absence de Mme Didier. Cette preuve de la trahison de sa maîtresse fut envoyée à l’amant de la Mouna par un inconnu qui l’avait enveloppée dans une autre lettre, anonyme, celle-là, naturellement.

— C’était bien inutile ! fit remarquer doucement Eustache Grimm, et je ne vois pas pourquoi vous perdez votre temps, monsieur Lepage, à me raconter ces histoires de l’autre monde !…

— Un peu de patience, monsieur le directeur, et tout à l’heure, j’espère que vous allez me comprendre… L’inconnu, dans cette lettre anonyme, expliquait qu’il avait par hasard surpris ce billet amoureux et qu’il se faisait un devoir de le faire parvenir à la connaissance d’un ami, ajoutant que c’étaient là des services qu’on ne saurait trop se rendre entre amis.

— Je ne saisis pas !… Où voulez-vous donc en venir ?

— Attendez ! Quand il fut en possession de ces deux lettres, l’amant trompé arriva à l’heure fixée pour le rendez-vous chez Didier et sonna. La porte fut ouverte par Didier, qui se trouvait seul chez lui, comme il était nécessaire. Vous lui aviez donné congé ce jour-là, monsieur le directeur. L’amant bondit sur Didier et l’étrangla net ; puis, il le pendit à la fenêtre et s’en alla. L’affaire devenait admirable. Un suicide était bien préférable pour vous à un assassinat !

— Oh ! Lepage !… Silence ! Malheureux !…

— Comment, silence ! C’est maintenant que la chose devient intéressante…

— Pourquoi me forcez-vous à écouter de pareilles choses que je ne dois pas connaître, Lepage !… Qui ne regardent que vous, Lepage !

— Ah ! Vraiment ! Vous croyez qu’elles ne regardent que moi ?… Eh bien ! mon cher directeur, je me charge de vous guérir de cette