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de Sinnamari s’était tu !… Sinnamari n’avait qu’à tirer dans l’escalier, au-dessus de lui, n’importe où ! Robert Pascal était sûr d’être atteint !

— S’il me manque ou s’il ne me tue pas du coup, pensa-t-il, il est mort !

Avec une bravoure sans égale, il n’attendait que la lueur d’un coup de revolver qui pouvait le tuer pour frapper son ennemi !

Et, comme celui-ci ne tira pas, Robert Pascal immédiatement en conclut que Sinnamari n’avait rien entendu du tout ; et, tout valait mieux que cette dangereuse immobilité, le jeune homme avança dans le noir. Il tourna en silence autour de ce froid pilier de pierre qui s’enfonçait dans la terre et, tout à coup, il comprit ce qui venait de se passer.

Il n’eut que le temps de se rejeter dans l’obscurité de l’escalier. Il était arrivé à la dernière marche, et Sinnamari était dans la cave ou plutôt dans une espèce de vaste crypte, assez haute et qui tenait tout l’espace compris entre les fondations du pavillon.

On n’avait point divisé, ainsi qu’on le fait d’ordinaire pour les caves, cet espace en plusieurs caveaux. Il y avait là une unique salle souterraine dont le plafond de plâtre et de ciment, entre des poutrelles de fer, était soutenu çà et là par des piliers de briques. L’air qu’on y respirait était étouffant, pourri, moisi, horrible. Cette salle n’avait d’autre ouverture que celle de l’escalier.

Sinnamari avait dû, examinant la dernière marche, s’arrêter pour regarder la salle, la reconnaître, voir déjà de loin, si rien n’y avait été changé. Ainsi s’expliquait son immobilité de tout à l’heure. Et puis, il s’était avancé dans la crypte. Ainsi se comprenait l’obscurité soudaine dans laquelle avait été plongé l’escalier.

Maintenant, il errait toujours, son rat de cave à la main, entre les piliers. Il se promenait la main haute, dressant son luminaire, la tête basse, regardant la terre. Et il faisait ainsi le tour de la cave, s’arrêtant parfois, s’adossant à un pilier et paraissant réfléchir.

Le plus curieux, c’est que dans cette salle-tombeau, il n’y avait rien. Rien entre les murs, rien entre les piliers. Sinnamari resta bien là cinq minutes, dans le plus profond silence. Puis il eut un ricanement sinistre et il dit tout haut : « Quand on est mort, c’est pour longtemps ! » Cette phrase banale et macabre, dans le mystère de cette espèce de crypte insoupçonnée, prit un accent si lugubre que tout autre que Sinnamari qui l’eût prononcée en eût été effrayé.

Robert comprit alors plus que jamais que l’heure n’était pas encore venue et que quelqu’un le retenait, par-derrière ! Qu’avait-il demandé ? À voir ! Eh bien voilà : l’ « au-delà » lui montrait un tombeau ! Et, du fond de son cœur farouche, Robert Pascal remercia l’ombre de sa mère de l’avoir si vite entendu… et d’avoir permis que Sinnamari ne fût point