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souffle qui va lui manquer. Le jeune homme s’était donné pour tâche de sonder les abîmes du passé, et parfois cette tâche l’étouffait.

Il sortit de cette salle, tâtant les murs, si troublé, si hésitant qu’on eût pu croire qu’il venait de prendre sa part de cette orgie défunte. Ses lèvres murmurèrent des mots sans suite, et puis, soudain, il parut retrouver une force nouvelle et il commença de gravir l’escalier qui conduisait au premier étage, d’un pas d’automate. Quand son visage apparut dans la lueur du petit carré lunaire, il exprimait, avec un tel relief, tant de force et d’énergie sauvage, la haine, que quiconque l’eût aperçu se fût enfui, épouvanté.

Quand il fut au premier étage, il n’hésita point. Sans doute savait-il que des deux portes qui étaient là, c’était la première, à sa droite, qu’il fallait pousser, car il s’y appuyait avec certitude. La porte obéit à la pression… La première chose que Robert Pascal vit dans cette pièce fut une fenêtre avec des barreaux, la seconde fut un lit ; cette pièce pouvait être à la fois chambre et prison. La prison, certes, avait été élégante ; elle n’en paraissait que plus lugubre. Rien de plus sinistre que ce lit à baldaquin entouré de lourds rideaux fanés si soigneusement fermés qu’on eût pu croire que la main qui les avait si méticuleusement disposés leur avait donné à garder quelque redoutable secret.

Du reste, dans cette chambre, tout était en ordre. Sur un petit bureau qui s’appuyait au mur, quelques feuilles de papier étaient disposées. Une plume plongeait encore dans un encrier, et la chaise qui se trouvait à côté de ce bureau était placée de façon qu’on pouvait facilement imaginer qu’une personne venait de la quitter après quelque correspondance. Peut-être même eût-on pu imaginer encore que cette correspondance venait d’être interrompue tant ces différents objets : bureau, papier, encrier, plume et chaise, présentaient un arrangement propice à une telle hypothèse. Cependant, le papier sur le bureau était vierge de toute inscription.

Le lit, plus que tout le reste, attirait Robert Pascal : le lit fermé, le lit avec son secret, et il alla vers le lit, et, d’un geste pieux, il en écarta doucement les rideaux.

Le lit n’était point défait. Il était en ordre, comme toute chose dans la chambre. L’oreiller, garni de dentelles, paraissait attendre encore, après tant d’années, la tête qui avait coutume de s’y reposer. La courtepointe de satin était tirée méthodiquement sur les couvertures et les draps.

Robert Pascal, devant ce lit, se laissa glisser à genoux comme nous avons vu Liliane tomber à genoux sur le seuil du petit jardin du quartier de l’Observatoire. La courtepointe si méthodiquement tirée se déplaça, car Robert Pascal avait machinalement, en s’agenouillant, laissé glisser ses mains sur le lit. Robert Pascal voulut remettre la