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personne, et d’où ne venait jamais le moindre bruit. L’hôtesse lui avait répondu que depuis qu’elle s’était installée là, elle avait fait souvent cette question à de vieux habitants du quartier, qui tous avaient hoché la tête, en signe d’ignorance.

Certainement, depuis des années et des années, la propriété non seulement n’avait pas été habitée, mais avait cessé d’être fréquentée. Et jamais alors R. C. ne s’était douté que ce qu’il cherchait depuis si longtemps se trouvait à portée de sa main ! Car l’homme, si puissant soit-il, n’est dans toutes les circonstances de la vie que le jouet du hasard.

Quelle leçon pour R. C., qui n’était point loin de se croire l’homme du destin, que celle qu’il avait reçue dans la modeste loge de dame Héloïse. Il achète tous les perroquets de la terre, et le seul dont il ne veuille point parce qu’il le croit muet, est celui qui détient la clef de sa vengeance. Cette pensée, cependant, n’aurait point réussi à humilier R. C. Bien au contraire, l’événement, à cause de son hasard même, l’avait confirmé dans son orgueil.

De l’endroit où il se trouvait, Robert Pascal examinait toute la longueur du mur qui lui était accessible et cherchait le point propice à son escalade. Il n’avait pas pensé une seconde à pénétrer par la porte. D’abord, il lui eût fallu l’enfoncer, et, avant tout, il tenait à opérer sans bruit. Il ne devait pas oublier qu’à deux pas de là, derrière lui, dormait la mère Fidèle, dans cette même chambre d’où, vingt ans auparavant, le ménage Prévost, dissimulé derrière les rideaux, avait assisté aux allées et venues nocturnes des étranges habitants d’en face.

Le jeune homme considéra une seconde les fenêtres sombres du premier étage, s’approcha à pas de loup du seuil de l’auberge, colla son oreille contre la porte, et, rassuré, se redressa pour la tâche à accomplir.

Non loin de la petite porte, le mur avait conservé une garniture de tuiles formant chapeau. Avec une adresse incomparable et une sûreté de mouvements merveilleuse, Robert jeta au-dessus de ce chapeau de tuiles une courte corde qui se terminait par un crampon de fer à plusieurs crocs.

Agile comme un chat et les pieds au mur, ne se servant de la corde que pour y grimper des mains, Robert s’agrippa à la crête juste au moment où les tuiles cédaient sous l’effort du crampon de fer. Robert à cheval sur la crête du mur, penché du côté de la rue, tira à lui par le truchement d’une ficelle des objets assez lourds qu’il avait dû y attacher avant de s’élancer à l’assaut de la propriété abandonnée.

Quand ces objets furent à sa hauteur, il les jeta de l’autre côté du mur, puis se dressa tout droit. Les ailes de son manteau le faisaient ressembler à un monstrueux oiseau nocturne…

L’oiseau disparut. Robert Pascal était tombé sur un amas pourri de