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savent combien une Lolotte trop polie et à laquelle ils n’ont point répondu sur le même ton de politesse peut marquer d’amour-propre froissé, d’indignation vengeresse, de colère souveraine… Et, pour peu qu’un gentilhomme attardé passe par hasard et qu’il soit bien innocemment, ma foi, attiré par cette altercation, voilà toute une histoire ! Le gentilhomme, naturellement, croit que l’on a manqué de respect à une dame, et, comme il a reçu une excellente éducation, il se porte à son secours ! Comment peut-on mieux secourir une dame qui est offensée à une heure aussi tardive qu’en rappelant au malotru qui l’avait oublié, ce qu’il doit au beau sexe. Il lui doit des excuses d’abord, et sans doute aussi, son porte-monnaie et sa montre, car c’est journellement ainsi que les choses se terminent.

Or, voyez l’événement : comme Lolotte prenait bruyamment le ciel à témoin à la muflerie de l’ombre, une autre ombre surgit, qui venait d’on ne sait où, mais qui était assurément l’ombre d’un gentilhomme, car elle prit tout de suite la défense du sexe outragé.

— Que voulez-vous à madame ? demanda la nouvelle ombre sur un ton qui n’admettait sans doute point de réplique, puisque la première ombre ne répondit rien, mais elle sortit de dessous son manteau son revolver.

Lolotte, Pâlotte et Belotte crièrent ; mais, avant que le revolver ait eu le temps de se mêler à la conversation, un coup de bâton, venu d’on ne sait où, avait fait choir le joujou aux pieds de ce butor qui maltraitait les femmes.

L’inconnu voulut ramasser son arme, mais un pied était déjà dessus, et il se vit entouré d’une demi-douzaine d’individus à figures patibulaires. Il eût voulu crier, il eût été sûrement perdu. Il ne serait pas sorti vivant de leurs mains. Tout à coup, il lui sembla, à la lueur incertaine du réverbère, que quelques-unes de ces ombres ne lui étaient pas inconnues.

— Eh mais ! dit-il. C’est les Titis de Pantruche !

Et il risqua le coup :

— On turbine ce soir pour le grand Dab ! (On travaille ce soir pour le Roi !)

Il y eut une certaine émotion parmi les ombres. La première, qui avait parlé déjà, dit :

— Possible ! Mais tu vas nous dire le mot de passe ou ton compte est bon.

Et celui qui avait pris la défense de Lolotte ramassa le revolver.

L’inconnu eut un mouvement de recul. Mais encore une fois il fut enserré dans une véritable prison vivante. Hommes et femmes le touchaient, le tenaient. Il put croire son affaire réglée, car il n’avait pas le mot d’ordre.

— Si tu as entendu parler du grand Dab, dit encore celui qui