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— Ne dit-on pas qu’il habite dans les catacombes ? reprit l’actrice. Alors tout s’expliquerait R. : roi ; C. : catacombes ; le roi Mystère serait le roi des Catacombes !

Tout le monde rit et le peintre se rappela, avec une joie candide, qu’il avait fallu tout de même, huit mois auparavant, une déclaration retentissante du préfet de police pour calmer les imaginations surexcitées du boulevard.

C’est que, dans ce moment-là, les faits les plus monstrueux, les crimes les plus audacieux, les événements restés inexplicables de la vie publique quotidienne avaient été mis avec entrain sur le compte de cet espèce de loup-garou pour grandes personnes qu’avait été, pendant quelques semaines, le roi Mystère ! Mais qui donc avait imaginé, qui avait créé cette royauté ?… Qui ? On ! On, c’est-à-dire tout le monde, c’est-à-dire personne !

— Alors, nous allons le voir ce soir ! s’exclama Marcelle Férand !… Quel bonheur !…

— Ah çà ! Qui peut nous monter ce bateau-là ? s’écria Raoul Gosselin en assurant son monocle d’un geste nerveux. Ce n’est pas drôle du tout !…

— Mais ce n’est pas un « bateau » ! protesta Marcelle.

— Je ne croirai à l’existence de ton roi Mystère que lorsque j’aurai fait son portrait ! déclara le peintre.

La porte venait de s’ouvrir. Un laquais annonçait :

— Monsieur le notaire du roi !… Monsieur le greffier du roi !

IV

M. LE PROCUREUR IMPÉRIAL
COMMENCE À CROIRE
À L’EXISTENCE DU ROI MYSTÈRE

Deux hommes firent leur entrée, la tête basse et une serviette de maroquin sous le bras, presque des vieillards tous deux, mais l’un épais et l’autre chétif. Un notaire parisien ne saurait en aucune circonstance être confondu avec un greffier… Quand ils eurent enlevé leur chapeau, leur pardessus et l’écharpe qui leur cachait à moitié le visage, les deux nouveaux personnages furent accueillis par des cris de nature diverse. Le notaire et le greffier montraient un visage si consterné que, quelle que fût la diversité de l’impression, chacun finit par se demander si l’affaire ne devenait pas sérieuse. Me Espérance Mortimard, l’un des premiers et des plus riches notaires de la capitale, dont l’étude, sise quai Voltaire, voyait défiler une exceptionnelle clientèle. Depuis qu’il avait dépassé l’âge de quatorze ans, âge auquel, entre une version