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rue des Saules une petite maisonnette dont on a fait une auberge depuis, une auberge : l’auberge du Bagne !

— Ah mon Dieu ! s’écria Robert Pascal… L’auberge du Bagne !… Et moi qui ne m’en étais pas douté !… Ah ! Macallan !… Prends garde, car la patience de Mystère a des bornes !…

Et le jeune homme fut soudain pris d’une telle fièvre qu’il dut se lever et marcher à grands pas dans la petite pièce.

— Vous allez tout me dire ! souffla-t-il.

— Tout quoi ? demanda Héloïse.

— Tout ce qui vous est arrivé pendant que vous habitiez dans cette maison.

— Mais il ne nous est rien arrivé du tout. Quoi qu’on en dise, le quartier est fort tranquille. Il ne vaut pas sa méchante réputation et ce n’est pas une raison parce qu’on a appelé cette auberge l’auberge du Bagne, pour croire qu’on assassinait toutes les nuits à notre porte.

— Vous avez une bonne mémoire, madame Prévost ? demanda si sévèrement le jeune homme, que la bonne femme en fut tout de suite un peu inquiète.

— Ma foi oui, monsieur Pascal, pour vous servir.

— Rappelez-vous l’année…

Et le jeune homme se pencha à l’oreille de la vieille ; celle-ci tressaillit.

— Ah ! fit-elle en le fixant singulièrement. En effet je me rappelle cette année-là, et elle ajouta entre ses dents : ça n’a pas été une bonne année.

— Pourquoi ?

— Pour rien !

— Vous souvenez-vous, demanda le jeune homme, de ce qui arriva rue des Saules, au printemps de cette année-là ?

— Au printemps ?

La mère Héloïse baissait de plus en plus la voix et regardait son locataire avec une anxiété nouvelle mêlée d’un certain effroi.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire.

— Je veux vous rafraîchir la mémoire, madame Prévost, répliqua Robert Pascal en se rapprochant encore de la concierge. Il ne passe pas beaucoup de monde rue des Saules, à trois heures du matin, et, quand on est à sa fenêtre, avec son époux, en train de respirer la nuit parfumée des premiers effluves du printemps…

— Oh ! monsieur Pascal, il y a si longtemps… je ne sais plus… je vous jure que je ne sais plus… je suis une vieille femme…

— … qu’il fait clair de lune… qu’une voiture… qu’une voiture, continua le jeune homme sans essayer de calmer l’agitation croissante de dame Héloïse… qu’une voiture monte la rue des Saules… car elle montait, elle venait donc de derrière la butte… une voiture, rue des