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se dégagea tout doucement de la foule et fit signe à Gosselin de le suivre. Or, l’événement amusait le peintre et il dit à l’orfèvre : « Bah ! descendez-moi votre médaillon. Je vous attends ici… C’est trop drôle ! »

L’orfèvre prit le chemin de sa chambre. Dans le même moment, des cris retentirent sous le porche. C’était la mère Héloïse qui rentrait, et elle avait à la main une cage dans laquelle se trouvait Salomon.

Nul ne pouvait se vanter d’avoir vu la mère Héloïse été comme hiver, sans sa platine, sur laquelle elle croisait les mains comme pour la prière ; nul, bien entendu, excepté défunt son mari, qui l’avait connue lorsqu’elle était encore jeune et désirable ; mais puisque le brave homme était défunt, il ne pouvait pas se vanter plus que les vivants. Car cette vieille avait eu un mari, un ancien curé qui avait jeté le froc aux orties, et qui avait enlevé la future concierge de la Mappemonde à son couvent, où elle était sœur tourière. Voilà pour la concierge ; quant au pipelet mâle, je veux dire le perroquet, il ressemblait à la plupart des perroquets et il était d’un vert très ordinaire.

Quand la mère Héloïse fut assise dans sa loge et qu’elle eut replacé Salomon sur son perchoir, elle souffla un peu et consentit à donner des explications. On s’aperçut tout de suite qu’elle était rentrée « l’amour-propre froissé ». Elle ouvrit un journal et, montrant, en première page, un filet écrit en gros caractère, elle déclara : « C’est de là qu’est venu tout le mal ! » Le Professeur lit le filet à haute et vibrante voix : « Toutes les personnes en possession d’un ou de plusieurs perroquets sont priées de passer à l’hôtel du comte de Teramo-Girgenti ; se présenter rue de Ponthieu… Tous les perroquets sont achetés. Les personnes qui auraient un perroquet auquel elles seraient trop attachées pour vouloir s’en défaire, sont également priées de venir rue de Ponthieu. On leur louera leurs perroquets pour une période et pour un prix à débattre. »

Tout le monde comprit que cette annonce avait tenté la vieille Héloïse. Certes, elle eût été incapable de vendre Salomon, mais le louer était une autre affaire.

— Ah ! gémit-elle, je n’aurais pas eu le courage de m’en séparer plus de huit jours !

Oui, oui, cela on le comprenait ; mais, ce qu’on ne comprenait pas, c’était la raison que pouvait avoir un citoyen, fût-il comte de Teramo-Girgenti, à louer tous les perroquets qu’on ne voulait pas vendre.

— Que la Sainte Vierge me pardonne, fit la vieille ; mais vous me direz si je n’ai point raison d’être en colère ! Je vais vous raconter ce qui m’est arrivé. C’est indigne ! Ce matin, ayant lu l’annonce de ce journal et ayant pris ma résolution, je mis Salomon dans sa cage. Il se laissa faire sans rien dire, comme toujours…

La mère Héloïse avait commencé le récit des aventures de Salomon