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Et le comte descendit.

Liliane le vit qui se dirigeait vers la porte cochère d’une bâtisse toute neuve, et s’entretenait quelques instants avec un bonhomme qui paraissait être le concierge du lieu ; celui-ci disparut et revint aussitôt portant une cage dans laquelle se trouvait un perroquet.

Le comte donna la cage au cocher, et reprit sa place auprès de Liliane.

— Vous avez acheté ce perroquet ? demanda-t-elle, assez étonnée.

— Oui ; mon cocher sait que j’adore les perroquets. Il aura vu celui-ci derrière la fenêtre de la loge, et il a aussitôt arrêté ses chevaux, persuadé que j’aurais grand plaisir à revenir chez moi avec cette adorable petite bête.

— Vous êtes un type ! constata Liliane, qui prit aussitôt son parti des excentricités du comte, car elle en avait vu bien d’autres…

La voiture continuant son chemin, arriva jusqu’à l’angle du boulevard des Batignoles et là, s’arrêta.

— Eh bien ! demanda Liliane, de plus en plus étonnée. Vous allez encore acheter un perroquet ?

— Ce n’est donc pas ici que vous habitez ? dit le comte, en montrant un balcon qui tenait toute la ligne du premier étage d’une maison de belle apparence.

— Vous retardez, monsieur ! répliqua la demi-mondaine. J’habitais, en effet, cet appartement il y a dix-huit mois. On vous a mal renseigné.

— À ce moment, dit Teramo-Girgenti avec ce calme suprême qui appartient seulement aux esprits supérieurs et aux imbéciles, à ce moment, madame, vous faisiez le bonheur de M. de Saint-Roy, avocat général à la Cour de cassation.

Liliane, stupéfaite, regarda le comte et lui dit, hostile :

— Qu’est-ce que ça peut vous faire ?

— À moi ? Rien, chère madame, croyez-le bien, et vous non plus, je l’espère… Je n’ai jeté ce détail dans la conversation que pour vous prouver que je suis peut-être un peu mieux renseigné que vous ne le supposiez.

— Et vous m’avez prouvé que vous êtes plus mal élevé que vous n’en avez l’air.

La voiture était repartie au grand trot. Cette fois, elle avait fait demi-tour et remontait le boulevard de Clichy…

— Mais où va cette voiture ? demanda encore Liliane en marquant soudainement une franche mauvaise humeur.

— Est-ce qu’on sait ?… Quand je ne donne pas d’adresse à mon cocher, ce garçon, dont je vous fais cadeau avec tout l’équipage et que je vous recommande tout particulièrement, imagine que je n’ai que le désir de me promener… Et voilà, il me promène…

— N’importe où ?…