Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

derrière eux, le concierge, sans mot dire, vint prendre le perroquet sur le poing du comte.

— Et qu’est-ce que vous allez faire de cette bête ? demanda Wat au comte.

— Elle va aller rejoindre les autres dans la cage de la rue de Ponthieu !…

— Et vous tenez réellement à ce perroquet ?

— Beaucoup !

— Vous irez le voir dans sa cage ?

— Jamais !

— Comment ! Jamais !… Et tous les perroquets que vous achetez, alors, mon cher comte ?

— Je ne les revois jamais.

— C’est tout à fait inexplicable.

— Si… je vous expliquerai cela… un autre jour… le jour où nous pendrons la crémaillère, mon cher monsieur Wat !

— Et ce sera bientôt ?

— Je l’espère… dans une quinzaine de jours, peut-être… Cela dépend de mon intendant, qui est le plus méchant intendant que je connaisse… Il est lent ! Il est lent !… Nous devrions être complètement installés depuis longtemps !

Le comte et Wat étaient arrivés au bas du perron de l’hôtel.

— Allons, mon cher Wat, rentrons… J’ai hâte de me reposer, fit Teramo-Girgenti. Voilà trois heures que je marche !…

— Trois heures ! répliqua Philibert… C’est donc un régime ?

— Oui, c’est un régime… À mon âge, il le faut, hélas !

— Oh ! À votre âge…

— Quel âge me donnez-vous ?

— Eh bien ! je vous donne entre soixante et soixante-cinq ans, bien que vous ne les paraissiez pas, mon cher comte…

— J’ai vingt ans ! interrompit Teramo… Vingt ans et trois mois… Pas un jour de plus !…

Et il poussa Philibert Wat dans le vestibule de l’hôtel.

Philibert riait. Quant à Teramo, il ne riait pas ; jamais Philibert ne l’avait vu rire.

Teramo-Girgenti paraissait, en effet, une soixantaine d’années, plutôt un peu plus qu’un peu moins. Les sourcils blancs touffus, la moustache épaisse et toute blanche retombant de chaque côté d’une bouche bien dessinée, mais aux commissures dures, amères, le collier de barbe blanche et toute la chevelure chenue tombant en boucles d’argent sur les oreilles qu’elles cachaient, devaient contribuer beaucoup à vieillir un visage qui, par certains côtés, pouvait paraître jeune encore ; les joues n’étaient point creusées ; un sang généreux devait courir encore sous cet épiderme si pâle. Les traits étaient réguliers.