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nancé. Vous savez bien que je viens vous trouver en ami, monsieur le procureur, et je vous en donne la preuve en vous abandonnant tout de suite ce paquet plutôt compromettant.

— Vous pouvez le garder, dit Sinnamari. Ce sont là des autographes qui prouvent que je suis un brave homme, un excellent ami pour mes amis, que je sais les soutenir à l’occasion, comme c’est mon intérêt politique et mon devoir moral !…

— Et votre intérêt pécuniaire, monsieur ! interrompit Dixmer.

— Il me semble que j’entends parler ce pauvre Lamblin… dit le procureur avec un sinistre sourire…

— Voilà encore des papiers qui vous intéressent, répliqua Dixmer en sortant un autre paquet de la poche de sa redingote.

— Ces lettres, dit Sinnamari, en montrant le nouveau paquet qu’il négligea de prendre, doivent être celles avec lesquelles cet autre imbécile de Didier essaya de faire chanter mon ami Eustache Grimm, toujours pour la même raison, parce que celui-ci avait recommandé quelques amis à la bienveillance ministérielle pour des affaires fort honorables. Encore un — je parle de ce pauvre Didier — qui a mal fini…

— Oui, déclara Dixmer, prenant son air le plus sombre, comme Lamblin, il a été assassiné…

— Il s’est suicidé !… sourit le procureur. Vous confondez, monsieur Dixmer.

— Il s’est suicidé comme tant d’intermédiaires dans quelques affaires politiques que je ne vous nommerai pas, d’abord parce que vous les connaissez aussi bien que moi, ensuite parce que j’ai, autant que quiconque, le souci de la tranquillité de l’État.

— Vous vous abusez étrangement sur l’importance de vos petits secrets. Vous allez me permettre de déposer ces deux paquets sur le bureau de mon substitut, avec cette note : « Prière de remettre ces deux paquets à M. Jonard, juge d’instruction dans l’affaire Desjardies, et prière à ce juge d’instruction de demander à M. Dixmer, officier divisionnaire de la préfecture de police, comment il les a eus en sa possession. »

Et Sinnamari écrivit tranquillement cette petite note-là.

Dixmer n’en pouvait croire ses yeux. Il se demandait si le procureur n’était pas devenu fou.

— Si M. Jonard me pose une pareille question, fit-il en se levant, je lui dirai la vérité !… Lamblin était mon ami…

— Mes compliments… C’est dangereux, ce que vous dites là, Dixmer… Si vous étiez l’ami de Lamblin, songez donc que vous n’étiez pas loin d’être son complice. Je ne peux plus faire arrêter Lamblin, qui est mort trop vite, mais qui m’empêche de vous faire arrêter, vous ?