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ailleurs, et, ayant pris le soin, comme il en avait demandé la permission de laisser toutes les portes ouvertes, vint s’asseoir tranquillement sur une chaise que personne ne lui offrait.

M. Merlin, fit-il, a été présenté, il y a environ trois semaines, à Mme Demouzin. Il se disait un riche industriel du Gard et ne fit point mystère qu’il désirait acheter les houillères de Portes et Sénéchas. Mais cette opération, qu’il estimait excellente, se trouvait retardée par l’entêtement que mettait le gouvernement à exiger de l’acheteur deux millions supplémentaires pour la construction d’un chemin de fer qui relierait ces mines à Alais. M. Merlin estimait que ce chemin de fer, d’intérêt général, ne devait pas être payé de la poche d’un particulier. Et il était tout disposé à montrer quelque reconnaissance aux personnages assez intelligents pour faire triompher une aussi juste cause auprès du gouvernement…

» Tout ceci n’est-il pas exact, Mme Demouzin ? demanda Dixmer.

Mme Demouzin regarda, elle aussi, du côté du vestibule et répondit :

— Allez, monsieur, j’ignore où vous voulez en venir…

— Je veux en venir à ceci, répliqua Dixmer, de plus en plus calme, cependant que les autres commençaient à montrer quelque trouble, je veux en venir à ceci, que M. Merlin vous a offert un premier versement de cinquante mille francs.

— C’est faux ! s’écria Mme Demouzin.

— Il est faux que vous l’ayez accepté, répondit Dixmer, mais il est exact que cet homme vous l’a offert. Vous avez repoussé ses offres, d’abord parce que vous êtes une honnête femme, ensuite parce qu’il exigeait, après avoir promis trois cent mille francs en tout, une lettre dans laquelle M. Sinnamari s’engageait à parler en ami de cette honnête affaire à M. Philibert Wat. Cette lettre devait vous être adressée, madame. Moyennant cette lettre, il versait tout de suite les cinquante mille francs… Vous attendez toujours les cinquante mille francs, madame, parce que lui, il attend toujours la lettre. Est-ce exact ?

Dixmer se tut. Personne ne lui répondit. Alors, il reprit :

M. le procureur impérial ici présent, à qui, madame, vous avez communiqué les desiderata excessifs de M. Merlin, vous a répondu comme il devait. Il refusait tout engagement, toute promesse, toute signature… M. Sinnamari est un honnête homme. Et cependant, je viens de dire à cet honnête homme : il faut écrire !… Écrire une lettre qui atteste, clair comme le jour, que si Mme Demouzin a pu parfois s’autoriser de ses relations avec M. Sinnamari pour aider des amis dans la peine, M. le procureur impérial, lui, est resté toujours en dehors de ces sortes de… spéculations dangereuses… Voilà ce que j’avais à dire pour que l’un des premiers magistrats de ce pays n’ait point à souffrir des imprudences de madame…