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d’abord dupé, puis indélicat, il ne devait pas tarder à devenir le jouet des plus louches intermédiaires. Sur l’intervention même du procureur impérial, qui avait tout intérêt à le savoir entièrement à sa disposition, il alla porter, un beau jour, un papier qui le gênait à l’une des âmes damnées de Sinnamari ; Mme Demouzin s’en chargea et réussit facilement à le négocier. Dès lors, il faisait partie de l’agence Demouzin, et, peu à peu, monta, malgré lui, au premier plan de cette puissante organisation, imaginée par le procureur impérial, dont tous les rouages visibles étaient réunis entre les mains de Philibert Wat, gendre du président du conseil, organisation qui s’était donné pour mission de vendre, à son profit, tout ce qu’un gouvernement doit donner pour rien : places, charges, concessions, honneurs.

Ce matin-là, Mme Demouzin avait des choses d’importance à confier à son cher procureur. On a su depuis qu’il s’agissait de trois affaires que Sinnamari croyait conclues et qui, sans qu’il fût possible d’en trouver la raison, lui échappaient complètement. Depuis quelque temps, en effet, l’association semblait jouer de malheur.

Sinnamari, qui n’était point habitué à trouver d’obstacles, en concevait une rage qui n’osait s’exprimer librement que devant Mme Demouzin et devant Régine.

— Et l’affaire Merlin ? interrogea-t-il en crispant ses poings puissants. Faudra-t-il lui dire aussi adieu à celle-là…

— Pour l’affaire Merlin, ça marche ! avait répondu la Demouzin, mais il me faut une lettre de vous !…

C’est là-dessus que Sinnamari avait déclaré qu’il ne l’écrirait pas et que Dixmer était survenu pour le prier de l’écrire.

— Monsieur le procureur, fit Dixmer, si vous me le permettez, je vais laisser ouvertes toutes grandes les portes qui donnent sur votre cabinet ; il est préférable quand on a des choses intéressantes à se dire, d’avoir affaire à des portes ouvertes qu’à des portes fermées, au moins on est à peu près sûr que l’on n’écoute pas derrière.

— Vous en parlez par expérience, Dixmer !

— Oh ! monsieur le procureur impérial, c’est par pure coïncidence que, me trouvant derrière votre porte au moment où vous entreteniez Mme Demouzin de l’affaire Merlin, j’ai saisi, bien malgré moi, quelques éclats de votre conversation.

— Qu’est-ce que c’est que l’affaire Merlin ? demanda le procureur du ton le plus indifférent ; il faudrait d’abord me le dire, Dixmer.

— C’est une affaire, monsieur le procureur, dans laquelle on essaie de perdre le crédit si honorable de Mme Demouzin et dans laquelle on tente de vous atteindre.

— Expliquez-vous, Dixmer, fit Sinnamari visiblement impatienté.

Dixmer alla jeter un coup d’œil du côté du vestibule, constata que celui-ci était vide et que Cyprien lui-même était allé se faire pendre