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une allumette qu’il avait dans une autre poche de sa jaquette.

Alors, la cigarette aux lèvres, lançant vers le ciel des bouffées comme un homme, le bambin se campa sur une dalle au-dessus de l’eau, et, le regard fixé tout là-haut sur Notre-Dame-de-la-Garde, il se mit dans la position du gamin célèbre qui fait le plus bel ornement de Bruxelles. Il ne perdait pas un pouce de sa taille, était très fier et semblait vouloir emplir le port.

Gaston Leroux.

Le surlendemain, Joseph Joséphin retrouvait sur le port M. Gaston Leroux qui venait à lui le journal à la main. Le gamin lut l’article et le journaliste lui donna une belle pièce de cent sous. Rouletabille ne fit aucune difficulté pour l’accepter. Il trouva même ce don fort naturel. « Je prends votre pièce, dit-il à Gaston Leroux, à titre de collaborateur. » Avec ces cent sous, il s’acheta une magnifique boîte à cirer avec tous ses accessoires, et il alla s’installer en face de Brégaillon. Pendant deux ans, il s’empara des pieds de tous ceux qui venaient manger en cet endroit la traditionnelle bouillabaisse. Entre deux cirages, il s’asseyait sur sa boîte et lisait. Avec le sentiment de la propriété qu’il avait trouvé au fond de sa boîte, l’ambition lui était venue. Il avait reçu une trop bonne éducation et une trop bonne instruction primaire pour ne point comprendre que, s’il n’achevait pas lui-même ce que d’autres avaient si bien