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j’avais peur, si bien préparé par les mystères de la nuit, peur de ce grand silence écrasant et lumineux de midi ! La clarté dans laquelle on sait qu’il se passe quelque chose que l’on ne voit pas est plus redoutable que les ténèbres. Midi ! Tout repose et tout vit ; tout se tait et tout bruit. Écoutez votre oreille : elle résonne comme une conque marine de sons plus mystérieux que ceux qui s’élèvent de la terre quand monte le soir. Fermez vos paupières et regardez dans vos yeux : vous y trouverez une foule de visions argentées plus troublantes que les fantômes de la nuit.

Je regardais Mrs Edith. La sueur sur son front pâle coulait en ruisseaux glacés. Je me mis à trembler comme elle, car je savais, hélas ! que je ne pouvais rien pour elle et que ce qui devait s’accomplir, s’accomplissait autour de nous, sans que nous puissions rien arrêter ni prévoir. Elle m’entraînait maintenant vers la poterne qui ouvre sur la Cour du Téméraire. La voûte de cette poterne faisait un arc noir dans la lumière et, à l’extrémité de ce frais tunnel, nous apercevions, tournés vers nous, Rouletabille et M. Darzac, debout sur le seuil de la Cour du Téméraire, comme deux statues blanches. Rouletabille avait à la main la canne d’Arthur Rance. Je ne saurais dire pourquoi ce détail m’inquiéta. Du bout de sa canne, il