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Je suis fou… En vérité, il faut avoir pitié de nous qui sommes tous fous. Nous voyons Larsan partout et peut-être Darzac lui-même m’a-t-il regardé un jour, moi, Sainclair, en se disant : « Si c’était Larsan !… » Un jour !… je parle comme s’il y avait des années que nous étions enfermés dans ce château et il y a tout juste quatre jours… Nous sommes arrivés ici, le 8 avril, un soir…

Sans doute, mais jamais mon cœur n’a ainsi battu quand je me posais la terrible question pour les autres ; c’est peut-être aussi qu’elle était moins terrible quand il s’agissait des autres… Et puis, c’est singulier ce qui m’arrive… Au lieu que mon esprit recule effrayé devant l’abîme d’une aussi incroyable hypothèse, au contraire, il est attiré, entraîné, horriblement séduit. Il a le vertige et il ne fait rien pour l’éviter. Il me pousse à ne point quitter des yeux le spectre debout sur le boulevard de l’Ouest, à lui trouver des attitudes, des gestes, une ressemblance, par derrière… et puis aussi le profil… et puis aussi la face… Là, comme ça… il ressemble tout à fait à Larsan… Oui, mais comme ça, il ressemble tout à fait à Darzac…

Comment se fait-il que cette idée me vienne, cette nuit, pour la première fois ? Quand j’y songe… elle eût dû être notre première idée !